jeudi 16 décembre 2010

Octobre rouge


Dans une chambre d'hôtel, à Saint-Petersbourg, à l'automne 1917 :

- Quel temps fait-il aujourd'hui Simone ?

- Rouge...

- Encore ?

- Oui. Encore et toujours. Si ça continue comme ça, les livres d'histoire se souviendront plus de la couleur de ce mois d'octobre que des noms des révolutionnaires...

- Bon... Mais il faudrait quand même penser à sortir là... Tu ne crois pas ?

- Mais il y a deux mètres de neige !

- Et si on prenait les skis ?

- Et l'armée est partout !

- Tu as raison... Trotsky tue le ski... Alors on remets ça ?

- Raoul... J'ai faim... Et si on mangeait plutôt ?

-  Encore ? Chérie... Si le rouge dehors est violent, le rouge d'ici est tout en douceur... et il invite le taureau que tu vois à faire vibrer l'arène...

- Bon, Raoul, tu ne vas pas me faire le coup du taureau dans l'arène à chaque fois ! J'adore ta façon de jouer avec la langue, mais parfois les meilleures choses ont une fin ! Et aux jeux de mots, là, tout de suite, je préfère les jeux de bouche, tu pardonneras donc aisément à ta reine de préférer contenter ses papilles plutôt que son roi !

- Mais c'est dingue d'être aussi gourmande !!!

- Raoul, si je ne mange pas immédiatement, la révolution d'octobre ne sera rien à côté de ma révolution de palais !


A ce moment-là, on frappe à la porte. Une grosse voix demande s'il y a quelqu'un.

Raoul, apeuré, en chuchotant :


- Voilà ! Tu vois ? Tu as encore parlé trop fort... C'est l'armée, c'est sûr...

- Allez, on débarrasse le plancher !

- Mais comment tu veux faire ?? On est au quatrième !!

- Mais qui te parle de partir ? Je te dis qu'on débarrasse, y'en a partout là ! J'aime bien que ce soit propre quand je reçois !

- Mais Simone, c'est sûr que c'est l'armée ! Il a une voix de gradé le mec là !

- Et voilà, dès qu'on parle ménage, y'a plus personne ! Dis donc, ça t'a plu quand j'étais en infirmière mardi soir ?

- Euh oui...

- Alors tu vas pas me faire croire que t'as peur de l'uniforme maintenant ! Allez, au boulot, vite ! Je vais ouvrir...

- Dans cette tenue ?

- Il faut bien qu'ils comprennent qu'ils nous dérangent non ?

- Et tu n'as pas d'autres moyens que leur ouvrir avec cette nuisette transparente qui mettrait Lenine au garde à vous ?

- Je mettrais bien les skis mais ils ne me croiront jamais si je leur dis que c'est la raison pour laquelle j'ai mis du temps à ouvrir...

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