samedi 30 juin 2012

Jeux de hasard




Quand Simone entra soudainement dans la pièce, Raoul ouvrit les yeux que le plaisir lui fermait depuis quelques minutes. La jeune femme au bout du mari qui n'était pas le sien arrêta son mouvement mais ne prit pas la peine de quitter complètement son amant. Elle resta immobile, comme un trompettiste qui arrêterait de jouer, surpris par un imprévu, tout en restant en position sur son instrument.

Raoul :

- Ce n'est pas ce que tu crois...

Simone :

- Il manque pas d'air le salopard... Madame, je crois que vous pouvez arrêter de souffler, il est assez gonflé comme ça, si vous continuez, il pourrait éclater.

Raoul, pendant que l'amante prend du recul :

- Quand je dis "ce n'est pas ce que tu crois", je veux dire que ce que tu vois n'est pas forcément ce que tu crois.

- Ah ? Et alors ? Explique-moi ce que je vois ?

- Oui, évidemment, je ne suis pas en train de faire un scrabble...

L'amante :

- Mais enfin Raoul, dis-lui les choses ! Dis-lui que tu m'aimes, point !

Simone, à Raoul :

- C'est dommage, vu sa grande gueule, avec ton jeu, tu pouvais tout mettre.

Raoul :

- Arrête... Je veux dire que ce n'est pas parce qu'on glisse parfois que tout notre être ment, que tout l'amour, exceptionnel, que j'ai pour toi, ne veut plus rien dire. C'est un plaisir, qu'on ne se refuse pas forcément dans ce monde violent et triste, comme un match de tennis ou une partie d'échecs, on se fout de qui on a en face, le principal c'est d'avoir pris du plaisir à jouer. Et parfois, on s'offre ce plaisir, sans culpabiliser, parce qu'on ne vole pas l'amour qu'on a pour quelqu'un pour le donner à une autre. On joue un peu d'amour, avec une musicienne dont vous sentez qu'elle pourrait sortir vos meilleures notes, sans lui promettre aucune partition.

L'amante :

- Ah tu te fous de qui tu as en face ? Et bien la prochaine fois tu te feras plaisir avec la concierge ! Et puis ça doit faire trente ans qu'elle a pas joué au tennis, ça devrait lui faire plaisir de voir ta raquette ! Je te laisse, je vais retrouver un ami qui aime plus la partenaire que le jeu, avec des balles neuves, on va jouer longtemps, ça va me changer...

Elle croise Simone, fait une petite moue de la bouche signifiant qu'elle est désolée, et claque la porte.

- Mince... On dirait que pour ton prochain concert il faudra que tu te passes de trompettiste... Tu sais Raoul, je comprends qu'on puisse se faire plaisir sans mentir sur un amour qu'on a donné, promis, juré, enfin je comprends surtout quand ça concerne les autres. J'aimerais te montrer à quel point je peux comprendre, ceci dit, comprendrais-tu le moindre de mes arguments si tu entrais sans prévenir dans une pièce dans laquelle je caresserais la tête d'un inconnu tenue entre mes cuisses... ?

- Tu as fait ça ?

- N'essaie pas de retourner la situation. Tu es mon héros Raoul, je sais qu'un homme comme toi ne laisse pas insensible, je sais aussi que tu te fous de cette fille, enfin que tu n'as pas pour elle une once de la profondeur sentimentale que tu as pour moi, mais vois-tu, si on se doute que les héros ont des défauts ou des perversions, on ne veut pas le savoir, on ne veut pas les voir. Tu étais mon héros Raoul, mais là, tu es comme une inscription sur un jeu à gratter.

- Une inscription sur un jeu à gratter ?

- Nul si découvert.




Franck Pelé - Juin 2012 - Textes déposés à la SACD.

L'amour en face




- Bonjour Madame...

- Vous êtes Raoul ?

- Oui.

- Entrez. Asseyez-vous.

Simone ne se retourne pas, elle reste face à la fenêtre, tournant le dos à son interlocuteur. Raoul est assis dans un grand fauteuil, subjugué par la présence de cette femme, son charisme, son élégance, la lumière de sa sensualité, la perfection de sa féminité.

- On m'a dit que vous vouliez me voir ? demande Simone

- En fait, c'est plus que ça, je ne voulais pas simplement vous voir, je vous cherchais.

- Pourquoi me cherchiez-vous ?

- J'ai toujours su que l'amour existait, parce que j'ai toujours cru en lui. Je l'ai cherché, longtemps, puis je vous ai vue. Plusieurs fois. C'était assez pour croire en vous.

- Vous croyez en moi parce que vous m'avez vue ? Mais il faudrait me vivre pour être sûr de ne pas avoir cru en un mirage, vous ne pensez pas ?

- C'est la raison de ma présence ici.

- Personne n'a jamais vu mon vrai visage.

- Avez-vous déjà vu le mien ?

- Non. Imaginez qu'il me plaise. Nous nous aimerions, et ce serait la porte ouverte à toutes les déceptions, toutes les frustrations, la jalousie, la routine, le vent sur les braises, celui qui éteint, pas celui qui attise.

- Mais comment pouvez-vous être si pessimiste ? Retournez-vous Madame, regardez ce qui danse dans mes yeux. Vous vous reconnaîtrez dans mon regard.

- Non. J'ai voulu me donner à un homme un jour. Je lui ai tout donné, ma confiance, mon amour, mes courbes, mes creux, mes biens, mes maux, mon âme...

- Il vous a trompée ?

- Même pas. Ou un peu finalement oui, en ne me rendant pas heureuse autant que le promettaient ses mots. Je n'ai jamais vibré, jamais vraiment frissonné, tout ce que je croyais agréable, tout ce que je ressentais comme plaisant, tout cela n'était que des mensonges que je m'offrais sans prévenir. J'ai aimé sa présence au début, j'ai pensé adorer sa peau, j'ai cru en notre éternité, mais très vite, je me suis sentie lasse.

- Et vous êtes partie ?

- Non, je l'ai laissé partir. Il est parti sans laisser d'ivresse.

- Simone... Je sais, c'est fou... Mais cet homme qui n'a pas su vous trouver, n'a fait que protéger un écrin qu'il n'a jamais ouvert. Laissez-moi vous montrer la force de votre éclat dans mes yeux, laissez mes mains jouer sur vous et écoutez notre symphonie, goûtez à notre alchimie, croyez en l'éternité d'un lien après avoir osé mes lèvres, l'amour n'est pas mort, Simone, jamais, il dort. Réveillez-vous avec moi.


Simone écrasa sa cigarette. Elle regarda dehors, pensive, pendant de longues secondes. Au moment où elle décida de se retourner, elle sentit la main de Raoul dans son cou, lui relevant doucement les cheveux. La douceur et l'attention de cette main l'avaient déjà convaincue. C'était la main qu'elle attendait, celle qu'il lui tendait. Elle se leva doucement, se retourna, trouva les yeux de cet homme qui croyait en elle, elle y vit tout son bonheur à venir. Ils s'embrassèrent. Un baiser qui contenait tous les mots du monde, tous les frissons de la planète, toutes les couleurs de la palette. Un baiser si bouleversant qu'il venait probablement d'inventer de nouvelles couleurs. Raoul était venu chercher l'amour, parce qu'il croyait en lui. Il est reparti avec la plus belle preuve de son existence. Elle s'appelle Simone.




Franck Pelé - Juin 2012 - Textes déposés



Derrière l'image





En arrivant dans la propriété de Simone, l'inspecteur Andrews ressentit immédiatement une chaleur, un frisson particulier. Il entra dans cette grande maison, vide depuis la veille et le départ de Simone pour le commissariat, et visita chaque pièce, consciencieusement. Dans le salon, il s'arrêta net devant le portrait de Simone. Il la regarda, longtemps. Il sentait son cœur prêt à se décrocher sous la force de ses battements. Il était près de la cheminée quand il entendit :

- Que faites-vous chez moi Inspecteur ?

Il se retourne, regarde partout, personne.

- Je suis là.

Il cherche, va vers la porte, ouvre même une fenêtre.

- Non, là. Là où votre cœur battait à l'instant.

Il s'approche alors doucement vers le tableau.

- Voilà, vous y êtes... Que faites-vous chez moi Inspecteur ?

- Mais... c'est impossible...

- Derrière toute image se cache une réalité. Et derrière toute image d'une femme se cache une vraie femme.

- Qui est la vraie Simone ?

- C'est pour cela que vous êtes venu ?

- Oui.

- Je savais depuis le début que la lumière qui m'aveuglait le plus n'était pas le projecteur de votre bureau mais votre regard. Il hurlait du plaisir de me regarder.

- Comment pouvez-vous être si sûre de vous ?

- Je ne suis pas sûre de moi. Je suis sûre des autres. Je suis franche, entière, je ne perds pas de temps avec les artifices. Vous me regardiez. Et vous adoriez ça. Pourquoi refuserais-je cette vérité ? Par peur de la prétention ? Je ne le suis pas. Si je suis belle, c'est à vos yeux, à l'instant.

- J'ai envie de savoir qui se cache derrière cette image.

- Non, vous ne voulez pas savoir. Vous savez, derrière l'image, il y a toutes les imperfections, on voit le mur, qui se dresse comme un rempart, avec ses éclats, ses trous, ses toiles d'araignées tissées par le temps, ce temps qui n'a aucun effet sur l'image que vous voyez.

- Comment pourrais-je vous séduire ?

- Vous pourriez de mille façons, mais mon cœur est à Raoul, le seul homme qui respire ces mille façons sans s'en donner la peine.

- Je vous aime Simone.

- En me faisant dormir au cachot ? Voilà une élégante façon de séduire une femme ! Inspecteur Andrews, vous êtes un homme honnête, vous semblez bon, vous n'êtes pas sans charme, mais puisque vous êtes amoureux de mon image, le seul moyen d'accéder à votre bonheur serait de vous installer sur le mur d'en face, et comme vous pouvez le voir, il n'y a plus de place. Surtout pour un artifice de plus.

- Mais Simone, je....

- Je suis désolée, je ne peux pas vous encadrer Inspecteur...

Alors que l'inspecteur Andrews, fou de rage, commence à mettre les mains sur le tableau, il entend :

- Et s'il vous plaît, laissez-moi accrochée ici, inutile de me mettre au cachot moi aussi, Simone a parfois du mal avec son image...




Franck Pelé - Juin 2012 - Textes déposés à la SACD


Garde à vue



- Simone Langlois, votre amie Josette Servant a porté plainte contre vous. Vous l'auriez humiliée avec des insultes entendues par une tierce personne, et vous lui auriez mis la tête dans un fraisier à plusieurs reprises.

- Par une tierce personne ? Vous parlez de son gigolo de mari ?

- Madame... Attention aux mots que vous employez...

- Mais justement, je fais très attention, ce sont les mots qui le définissent le mieux ! Il a passé le dîner à regarder mes seins, et..

- ...apparemment, vous aviez tout fait pour...

- Quand vous mettez des tongs, tout le monde regarde vos pieds ? Non, bon alors ce n'est pas mon décolleté, aussi émouvant soit-il, qui doit justifier l'insistance maladive de son regard !

- Un sein est plus suggestif qu'un pied.

- C'est parce que vous n'avez jamais pris le mien.

- Pourquoi le prendrais-je ?

- Parce qu'apparemment, quand vous prenez votre pied, il ne se passe pas grand chose, moi quand je prends le mien, je peux vous dire que c'est suggestif !

- Faisons comme si je n'avais pas entendu... Et donc... ?

- ...donc sa femme a dragué mon mari, par pure jalousie j'imagine, et je l'ai remise à sa place, c'est tout.

- Vous lui auriez dit : "...il te laisserait tomber comme une vieille Josette" puis, plus tard, "il laisse toujours traîner ses Josette sales"...

- Ah non, je lui ai dit : "Estime-toi heureuse, j'ai failli faire un jeu de mots sur les Josette sales qu'il laisse tout le temps traîner !" nuance !

- Et votre mari a éteint le regard de Pierre, le mari de votre amie, en lui assénant un terrible coup de poêle...

- Mais il venait de me claquer les fesses devant mon mari le chevalier Servant ! Il a fini la soirée en se couchant plus tôt que les autres, il n'y a pas eu mort d'homme non plus ! Je suis sûr que ça lui a fait du bien de se coucher tôt au gigolo...

- Madame Langlois !

- Quoi Madame langlois ? Le Pierre, il n'en a pas qu'une de Josette si vous voyez ce que je veux dire ! Quand il va à Roland Garros, il en ramène toujours une ou deux, ils les appelle ses Josette de tennis ! On ne le voit pas venir avec son petit air innocent le flippé de la midinette, il a des goûts très variés, il lui arrive de mettre des Josette dépareillées par exemple, il n'a aucune règle.

- De mettre ?

- Oui, il peut même en porter deux en même temps ! Vous n'avez jamais enfilé une paire de Josette vous ?

- Vous êtes proche de la garde à vue Madame Langlois...

- Appelez-moi Simone, Lieutenant... Apparemment la garde à vue a déjà commencé non ? Si vous vouliez me garder pour pouvoir me regarder, vous ne vous y seriez pas pris autrement n'est-ce pas ? Cette lumière sur mon visage depuis tout à l'heure, vous croyez que je n'ai pas compris ?

- La lumière dans le visage, c'est une technique pour faire parler, à force de vous éblouir, vous finissez par avouer.

- Mais vous Lieutenant, vous n'avez pas peur de finir par avouer à force d'être ébloui ? Vous m'arrêtez parce qu'avec votre Josette, ce n'est pas la fête tous les jours n'est-ce pas ? Vous la trompez ? Vous allez voir des Josette montantes ? Des grosses Josette ? Remarquez ça tient chaud les grosses Josette, comme les Josette de montagne, mais faut faire de la route pour en trouver, c'est le problème...

- Vous aggravez votre cas. Vous semblez vous plaire avec nous Madame Langlois... Vous sentez-vous à votre place ici ?

- J'ai toujours su que je finirais sous les projecteurs...

- Bon ça suffit... Emmenez-la au cachot !

- Au cachot ? Carrément ? Pourquoi pas la chaise électrique pour me faire payer votre coup de foudre ?

- Le cachot vous fera le plus grand bien.

- Vous venez avec moi Lieutenant ?

- Pour quoi faire ?

- Je voudrais vous faire des aveux.

- Quel genre d'aveux ?

- Des cachotteries...





Franck Pelé - textes déposés à la SACD - Juin 2012

jeudi 21 juin 2012

Elle est quand même gonflée...



- Simone... Tu es sérieuse là ?

- Quoi ? Tu n'aimes pas ?

- Pour un dîner en tête à tête dans notre salon, j'adore, mais pour un dîner chez les Servant beaucoup moins ! Le Pierre, il va avoir une attaque ! Ou traîner la langue par terre, au choix... Allez, va te changer chérie...

- Que j'aille me changer ? Fonce prendre tes gouttes Raoul, je crois que t'es en surchauffe là... Qu'est-ce qui te dérange dans cette tenue ?

- Ce qui me dérange ? C'est que tu viendrais seins nus ce serait pareil !

- Ah ce serait pareil...

Simone enlève tout, commence à passer les pouces sous les élastiques de sa culotte puis se ravise :

- Non, je vais quand même garder le bas, histoire d'être décente... On y va ?

- Mais qu'est-ce qui te prend chérie ? Tu es à moitié nue !

- Je croyais que c'était pareil ? Si tu ne vois pas la différence, personne ne la verra, non ? Passe-moi la jupe là-bas, je ne vais quand même pas y aller en culotte... Ce serait indécent...

- Mais Simone, ta robe est tellement décolletée qu'on a l'impression que tes seins vont tomber dans l'assiette d'une seconde à l'autre !

- Et bien prie pour que ce soit dans la tienne... Bon, on y va maintenant ?

- Non. Je suis désolé mais je n'irai pas chez les Servant. Pas avec ma femme qui a les seins à l'air.

- Mais ils sont comme tes conversations mes seins, on n'en voit pas le bout ! Donc au bout d'un moment, on n'y prête plus attention ! Tu vas pas nous faire une attaque parce que j'ose un peu de modernité dans le sensuel ! Les ambiances classiques, j'en ai ma claque ! Parce que toi, avec ta chemise ouverte sur ton paillasson pectoral tu crois que la Josette elle va pas rêver de vérifier si le pelage est de la même couleur partout ? Je change de robe si tu mets un col roulé. Et si je te chope à mater la naissance mammaire de Josette, je te renvoie chez la tienne illico !

- Chez qui ?

- Chez ta mère !

- Rien compris... Bon. Très bien. Tu gardes ta robe, je garde ma chemise ouverte. On y va.

En arrivant chez les Servant, Pierre prend Simone dans ses bras en lui disant d'une voix chaude :

- Mais regardez-la... Comme tu es belle dans cette robe...

En disant cela, il fixait une zone bien particulière, Raoul regardait Simone remercier Pierre, elle faisait parfaitement l'innocente. Raoul peinait à cacher sa colère bouillonnante.

Il s'avance alors vers Josette, lui passe la main dans les cheveux, en lui disant :

- Tu as changé de coupe ? Ça te va à ravir... Par contre, tu devrais déboutonner légèrement le haut, ce serait dommage de gâcher une telle vue...

- Tu crois ? Pierre ne voulait pas parce qu'il trouvait que...

- Attends, je vais le faire...

Raoul regarde Pierre, puis Simone, qui avaient le même fond de teint vermillon proposé par la jalousie.

Après un apéritif sans encombres, mais déjà bien arrosé, le dîner commence doucement à changer d'ambiance :

Simone :

- Josette, ton melon était divin, sucré, bien rond, fondant, un délice...

Pierre à Simone, l’œil coquin :

- Et question rondeurs fondantes et divines, tu t'y connais...

Simone fait une moue gênée en se pinçant ostensiblement les lèvres.

Josette :

- Raoul, tu veux bien m'aider à éplucher les carottes en cuisine ? J'en ai des bien fermes, c'est pas souvent à la maison...

Simone :

- Dis donc Josette, tu veux pas qu'il te prépare le chou fleur non plus ?

Josette :

- Occupe-toi de resservir du melon à Pierre avant qu'il bave sur ma nappe...

Pierre :

- N'importe quoi, je ne bave pas... Ceci dit, pardon mais n'importe quel homme serait déstabilisé par la tenue de Simone...

Raoul :

- Et qu'est-ce qu'elle a la tenue de Simone, Pierre ? Remarque, vu la taille de ta béquille, il t'en faut pas beaucoup pour être déstabilisé toi...

Pierre :

- Allez l'étalon, va dans la cuisine prendre le chou de Josette, elle n'attend que ça, et arrête de me prendre le mien.

Simone :

- Comment ça elle n'attend que ça ? Depuis quand ? Et qu'est-ce qu'elle a ma tenue ? On n'a pas le droit d'avoir un décolleté moderne dans ce pays ?

Pierre :

- Mais c'est pas un décolleté, c'est une coupe à dessert ! C'est une invitation à l'orgie ! Par rapport à ma femme, c'est comme si je passais du plus petit S au XXL ! Du raisin au pamplemousse ! Ne fais pas l'innocente Simone, si tu mets une robe pareille c'est pour qu'on regarde tes seins, non ? Et pourquoi ? Parce que tu as envie de plaire ? Parce que tu as envie d'un regard nouveau sur ton menu ? Avoue ! Et bien moi j'adore ton menu ! Et je ne vois pas pourquoi je me cacherais pour le dire !

Josette :

- Ah tu ne vois pas ? Tu sais ce qu'il te dit le raisin ??? Regarde-le bien... Regarde... Tu le vois là ? T'es pas près d'en reprendre de celui-là ! Et viens faire tes adieux à la vigne parce qu'il y aura bientôt de nouvelles grappes ! Ça me changera de la tienne remarque, c'était un peu maigre pour que je connaisse l'ivresse... Bon, on va le préparer ce chou fleur Raoul ? Il faudrait que tu viennes manger avec moi demain midi pendant que nos épousailles travaillent dur... Je me sens seule la semaine ici... Je vais te faire un pot-au-feu... Tu ne voudras plus rentrer chez toi !

Simone :

- Excuse-moi Josette mais Raoul ne va rien préparer du tout, et il ne viendra jamais manger avec toi tout seul. Et question ivresse, il a tout ce qu'il faut à la maison. Il a raison Pierre, tu manques un peu d'arguments pour faire tourner la tête de mon mari. Son manège à lui, c'est moi. Peut-être qu'au début, le parfum d'un nouveau territoire lui changerait les idées, mais je peux te dire que très vite, il te laisserait tomber comme une vieille Josette !

- Madame fait dans le calembour...

- Estime-toi heureuse, j'ai failli faire un jeu de mots sur les Josette sales qu'il laisse tout le temps traîner !

A ce moment précis, Josette devient blanche, puis verte, puis rouge, elle saisit le seau à glace, s'approche de Simone, et lui renverse sur la tronche, en hurlant :

- Il en faudrait des milliers comme ça pour te refroidir espèce de chaudasse !!!

Simone attrape le poignet de Josette, puis ses cheveux, et lui aplatit le visage dans le fraisier, qui avait l'air si bon... Elle lui relève la tête, et la replonge dans le fraisier, trois, quatre, cinq fois. Pierre lui, rigole comme un âne devant cette scène qu'il juge absolument légère et sans conséquences alors qu'une amitié de dix ans est en train d'exploser. Pendant que sa femme tente un record d'apnée dans la crème pâtissière, il ne peut s'empêcher de regarder les fesses de Simone, pire, il les claque gentiment dans un geste aussi macho qu'irresponsable, en gueulant :

- Vas-y ma chérie ! Montre-lui ce que c'est une femme, montre-lui à la Josette !

Raoul se lève doucement, va à la cuisine, revient avec une poêle de 30 cm de diamètre, s'approche de Pierre, et lui décoche un extraordinaire coup de droit en pleine face qui met le bellâtre K.O. sur la nappe. Puis il enlève les mains de Simone des cheveux de Josette, dit au revoir et merci à Josette et emmène Simone jusqu'à la voiture, en lui disant :

- T'as raison ma chérie, c'était vraiment moderne comme ambiance. Le prochain dîner, ce sera en anorak ou sans moi.

Simone sourit d'une façon espiègle :

- Ça c'est du dîner ! Il a quand même un méchant pouvoir mon décolleté non... ?

- Mais t'es pas possible Simone ! Tu n'es pas possible !!!




Franck Pelé - juin 2012 - textes déposés

mardi 19 juin 2012

Carnage




- Allô Odette ?

- Ah non c'est Odette à l'appareil ! Qui est-ce ?

Devant la surdité de sa belle-mère, Raoul hausse la voix :

- C'est Raoul !

- Oui bonjour Raoul...

- Pouvez-vous me passer Simone s'il vous plaît ?

- Elle n'est pas là mon petit Raoul. Et puis de toutes façons, elle n'est pas en état de vous parler.

- Passez-la moi, c'est urgent.

- Pour Jean ? Qui c'est ça Jean ? Et pourquoi il n'appelle pas lui-même Jean ?

- C'est URGENT !

- Ah... Bah oui, je me doute bien que c'est urgent, avec ce que vous lui avez dit, il ne va pas falloir attendre très longtemps avant de vous excuser.

- Ce ne sont pas vos oignons Odette ! Dépêchez-vous s'il vous plaît, je viens de mettre une pièce de cinq francs et elle va bientôt tomber, j'ai plein de choses à lui dire avant qu'elle ne fasse une bêtise, passez-moi Simone !

- Qu'allez-vous lui dire ?

- Bon sang mais c'est pas vrai ! Y'a la pièce de cinq qui tombe, passez-moi Simone immédiatement !

- Comment j'ai les seins qui tombent ??? En voilà des manières ! Vous pourriez avoir un peu de respect ! Si c'est comme ça que vous parlez à ma fille, ça ne m'étonne pas qu'elle vous ait quitté ! J'ai peut-être les seins qui tombent mais mon mari a mis un cierge dans ma chapelle jusqu'à son dernier souffle, et il n'en a jamais allumé ailleurs, si vous voyez ce que je veux dire !

- Bon, Odette, posez ce téléphone et allez chercher Simone tout de suite. Vous ne savez pas tout ! Il n'y a rien eu avec cette femme, Simone est la femme de ma vie et je pèse mes mots !

- Nemo ? Le poisson du petit ? Bah v'là autre chose...

Simone :

- Qu'est-ce qu'il dit ?

- Il dit qu'il baise Nemo... Je te l'avais dit qu'il y en avait d'autres...

- Tu as dû mal comprendre...

- Mais... enfin... Simone... dis que je suis sourde aussi ! J'ai parfaitement compris !

Sortant du combiné posé sur la table, on devine la voix hurlante de Raoul :

- Mais oui t'es sourde Odette, t'es sourde comme un pot !

Odette reprend le téléphone :

- Raoul ?

- Quoi ?

- Je ne vais pas vous passer Simone, elle ne veut pas vous parler mais elle veut bien entendre ce que vous avez à lui dire, alors parlez distinctement, doucement, et je lui répèterai tout.

- Sans rien déformer ?

- Je vous le promets. Vous voyez, quand vous parlez doucement, je vous comprends.

- Bon... Quand elle est arrivée à cette soirée, j'étais très vaporeux, j'avais un peu abusé de la boisson. Quand Simone a débarqué, elle m'a vu dans les bras de cette femme, mais il faut tout comprendre de la situation ! Cette femme est l'ancienne institutrice du fils de mon meilleur ami, qui était présent. Je l'ai embrassée suite à un pari, elle a souri et Simone est arrivée à ce moment-là, ce qui explique ma réaction. Mais c'était un pari, il n'y a qu'une seule femme que je pourrais allumer avec mon cierge, c'est votre fille, ma reine, que j'aime à la folie ! Dites-lui que je l'aime ma moitié et qu'elle me manque !

- Ok... Ne quittez pas... Bon, Simone... Il dit que lorsque tu es arrivée à cette soirée, il était dans les bras de son ancienne maîtresse avec qui il a eu un fils qui est devenu son meilleur ami. Il était amoureux, il avait un peu abusé de la toison, ce qui explique son érection au moment où tu es arrivée. Tout a commencé à Paris, où il a allumé une femme avec Serge, apparemment ce serait ta marraine, et enfin, il veut que tu saches qu'il t'aime à moitié.

- Tu es sûre qu'il a dit tout ça ?

- Mot pour mot.

Pendant que Simone essuie ses larmes, Odette reprend le téléphone :

- Allô Raoul ?

- Oui... ?

- Bon, apparemment elle n'est pas du tout convaincue par votre histoire là... Mais permettez-moi de vous dire que ce n'était pas la meilleure solution pour garder ma fille que de se taper sa marraine !

- tuuuut.... tuuuut.... tuuuut.... tuuut....




Franck Pelé  - Juin 2012 - Textes déposés

Le masque de fer



Sous le règne de Louis XIV, un prisonnier est gardé à l'écart, au fort de la Bastille. Portant un masque de fer, l'homme est sous la surveillance d'un ancien mousquetaire, le Marquis de Saint-Mars. Celui-ci a une double consigne venant apparemment de très haut : le tenir strictement isolé du reste de la prison afin de l'empêcher de révéler son nom tout en prenant grand soin de lui. Des précautions a priori superflues, s'il ne s'agissait d'un important personnage. Alors, qui se cachait ou plutôt qui cachait-on derrière ce masque ? Un frère jumeau du Roi ? Un amant ? D'Artagnan ? Fouquet ?

Tous les jours depuis sept ans, Simone apportait une assiette de soupe au prisonnier masqué de fer, et tous les jours celui-ci l'appelait :

- Simone... Simone... Simone, s'il vous plaît...

Elle ne levait jamais les yeux. Simone était la maîtresse de Louis XIV, elle seule avait réussi à convaincre le Roi de la laisser approcher le prisonnier pour lui apporter à manger, et un peu de présence.

Un jour, elle entra dans la pièce sombre comme une furie et hurla au prisonnier, en le regardant droit dans les yeux à travers son masque, chose qu'elle n'avait jamais faite jusqu'ici :

- Fais voir tes mains !

- Pardon ?

- Fais voir tes mains !!!

Le prisonnier avance ses mains. Simone les regarde attentivement, voit cette petite cicatrice sur la tranche de la main gauche et souffle :

- Putain c'est pas vrai... Qu'est-ce que tu fous là Raoul... ?

- Ah quand même ! Je t'avais reconnue depuis le début, j'en étais sûr ! Ça fait sept ans que j'en suis sûr ! Mais comme tu ne me répondais jamais, à force, je commençais à douter ! J'essaie de te parler depuis...

- Qu'est-ce que tu fais dans cette prison ???

- Bah en fait... je suis l'amant de la Reine. Enfin j'étais...

- C'est pour ça que tu m'as quittée ??? Pour te taper la choucroute royale ?

- Tu te tapes bien le Roi Soleil toi ! J'espère que tu mets de la crème depuis le temps ! Parce que les coups de soleil, ça fait perdre de sa candeur !

- J'étais célibataire, tu voulais un mot d'excuse ? Et alors la Reine, tu lui as tellement mis le feu à la couronne qu'elle t'a mis au cachot pour te préserver ?

- Non, en fait, c'est un peu plus compliqué que ça... J'étais l'amant de la maîtresse du Roi, Madame de Maintenon. Il l'a su, et il m'a enfermé ici pour que le secret de sa liaison avec Madame de Maintenon ne soit jamais éventé. Et toi, avec le Roi, c'est Versailles ?

- Mouais...

- Tu lui mets combien sur vingt ?

- Louis ? 14.

- C'est au-dessus de la moyenne...

- J'imagine que son grand pouvoir me séduit... parce que le même en guenilles, je lui mettrais... deux.

- Tu peux me faire sortir de là ?

- Non. En fait... Bon, Raoul...

- Quoi ?

- C'est moi qui ai demandé au Roi de te mettre ici. Lui, il voulait te couper la tête au début. Je l'ai convaincu qu'il ne pouvait guillotiner un homme qui lui ressemblait, qui avait les mêmes goûts concernant les femmes. Je lui ai dit que je m'occuperais de ta nourriture, il a accepté. Je lui ai surtout dit que si il te tuait, je le quittais. Avec cet ultimatum : soit il restait dans nôtre château avec l'autre joufflue poudrée à la truelle, soit il m'emmenait en calèche pour la résidence de mon choix et il venait vivre avec moi. Je me vois encore "C'est ici et Maintenon ou En voiture Simone !"

- Mais alors... Tu savais que c'était moi depuis le début ?

- Oui.

- Depuis sept ans, tu viens tous les jours, moi je suis seul, du matin au soir et du soir au matin, je t'appelle pour échanger avec toi, pour essayer de te faire comprendre qui je suis, je t'appelle par ton prénom, toi tu sais qui je suis et tu ne me réponds pas ???

- Je ne réponds pas aux appels masqués.





Franck Pelé - Juin 2012 - Textes déposés
à la SACD

vendredi 8 juin 2012

Chambre avec vue




- Elle te plaît notre chambre Raoul ?

Raoul, allongé sur le lit :

- Tu m'avais parlé d'une chambre avec vue, je ne pouvais pas rêver mieux...

- C'est fou cette Croisette... D'ici, on dirait des fourmis... J'adore cette effervescence...

- Simone, arrête de te pencher comme ça s'il te plaît parce que là, c'est moi que tu mets en effervescence...

- Tu ne devais pas écrire ?

- Je n'ai pas d'inspiration... et puis ma plume me semble avoir envie de glisser sur toi, beaucoup plus que sur une feuille vierge...

- C'est le problème de la feuille vierge ça...

- C'est sûr que toi, tu as déjà reçu quelques autographes...

- Ça veut dire quoi ça ?

- Attends... ça va... tu me tends une perche énorme... Je ne pouvais pas ne pas la prendre...

- Voilà une différence entre toi et moi, moi au moins je te tends une perche énorme ! Ah c'est sûr qu'avec la tienne, pour gagner un titre, il ne faut pas mettre la barre très haut ! Parce que dès que c'est un peu haut, tu sautes dans le vide, tu fais du vent !

- Arrête Simone... Je parlais de MES autographes...

- Mouais... Tu peux remballer ta plume Baudelaire, tu viens d'arroser les fleurs du mal avec ton humour en bois.

Raoul se lève, et s'approche de Simone, il la prend par la taille et se colle contre elle :

- Simone... Je te promets que je te parlais de MES autographes, je voulais juste dire que tu étais un peu moins vierge que la feuille, c'est tout...

- Oui, bah j'avais compris, pas la peine d'en rajouter ! Mais c'est dingue ça ! C'est pas la peine de venir à Cannes pour voir un festival avec toi ! Tu décroches tous les prix mon grand ! Tu ne peux pas réfléchir un peu avant de vouloir faire de l'esprit ?

- Tu es gonflée là ! Tout ça parce que tu es stressée avant la montée des marches ! Je t'aurais dit ça hier ou la semaine dernière, ça t'aurait fait hurler de rire !

Long silence.

- Bon... excuse-moi... C'est que... je ne sais pas quelle robe je vais mettre... Ça me stresse ces marches, tu n'imagines pas...

- T'as qu'à prendre l'ascenseur...

Simone se retourne, sourit, regarde Raoul dans les yeux, qui a ce sourire à tomber, complice, rieur, elle avance doucement ses lèvres vers les siennes :

- Je suis une femme d'honneur, bien élevée, élégante et qui ne se donne pas facilement...

- Je sais...

- J'ai connu quelques hommes, mais tous m'ont traitée comme une reine...

- Je sais...

- Mais si je devais devenir un chef d’œuvre féminin, ce serait uniquement grâce à ta griffe... J'ai adoré chacun de tes autographes, j'adore ton style quand tu écris sur moi, je veux être ton mot, ta phrase, ouvre ma parenthèse, ouvre mes guillemets, introduis quelques virgules en guise de respiration, une longue phrase doit respirer pour garder sa puissance...

- Tu veux quelques points de suspension ?

- Plein... je veux être un point d'interrogation, jusqu'au délice de ta réponse, que tu me laisses en suspension jusqu'à mes accents les plus graves, je veux taper du poing sur la table jusqu'à la fin de ta prose...

- Un poing d'exclamation donc...

Raoul écrivit sur Simone toute la nuit, un roman, une encyclopédie, une œuvre majeure. La chambre était retournée. Presque autant que les deux amants. C'était dimanche, le jour de la remise des prix. Il faisait un temps splendide. Dans l’entrebâillement des volets, un délicieux fil solaire vint se poser sur les paupières encore heureuses de Simone. La première fois qu'elle était venue à Cannes, c'était en vacances, avec ses parents, et sa petite valise en carton. Elle avait neuf ans. Vingt ans plus tard, elle allait monter les marches. Avec sa valise au Carlton.

On frappe à la porte de la chambre. Raoul ouvre un œil :

- Oui ?

La porte s'ouvre. C'est Charlie, l'attaché de presse. Raoul passe la main dans les cheveux de Simone, qui se réveille doucement. En entendant la voix de Charlie, elle se redresse un peu dans ce lit encore chaud de leur amour brûlant, le drap tenu contre sa poitrine. Charlie regarde autour de lui :

- Waouh... C'est le Vietnam ici...

Simone :

- J'adore l'odeur de la palme au petit matin...





Franck Pelé - juin 2012 - textes déposés à la SACD.


dimanche 3 juin 2012

Des étoiles, des étoiles...



- Le spectacle que vous me proposez Monsieur est presque insupportable pour la rêveuse que je suis...

- Je vous regarde danser depuis deux heures Madame, danser dans votre solitude, comme une étoile sans soleil qui ne brillerait pour personne.

- Je vous ai vu. Immédiatement. Et je me suis trouvé de l'éclat sous votre regard.

- Vous en aviez avant moi.

- Jamais autant. C'est pour cela que j'ai accepté votre invitation à venir m'allonger sous ce ciel, près de vous. Sans vraiment savoir si un jour extraordinaire allait se lever sur cette nuit.

- Laissez-moi vous embrasser pour donner naissance à ce jour...

- Je ne crois plus trop aux étoiles vous savez. L'éclat que vous me donnez m'a fait vous suivre jusqu'ici, mais il vous faudrait un certain talent, en plus d'une indéniable magie, pour que je vous suive plus loin.

- Vous voyez tous ces points lumineux autour de vous ? Autour de nous ?  Comment pouvez-vous ne plus y croire ? Elles sont là les étoiles, pour nous.

- On croit souvent qu'elles sont là pour vous, elles sont là, à portée de main, de cœur, on vous les promet, et puis finalement, elles se refusent, on vous les vole.

- Aucun homme ne vous a jamais décroché une étoile ?

- Non.

- Ce n'est pas possible... Aucun homme sur cette planète n'a jamais été foutu de voir que tous les diamants du ciel étaient pour vous ? On ne vous a jamais promis la lune ???

- Ah si, la lune, et tous les diamants du monde ! Et on m'a raconté mille fois comment on s'y prendrait pour me faire briller, mais la promesse est toujours restée accrochée à l'étoile jamais touchée.

- Ne bougez pas. Je reviens.

- Où allez-vous ?

- Ne bougez pas s'il vous plaît.

- Je ne connais même pas votre nom !

Raoul se lève, s'agenouille près de Simone, remet délicatement une de ses mèches brunes tombée sur sa joue et part en lui glissant, les yeux dans les yeux :

- Je m'appelle Raoul.

- Simone.

Après de longues minutes qui paraissaient des heures, Simone s'était presque endormie, ses yeux regardaient toujours les étoiles mais avec une telle distance, un tel flou, qu'elle était probablement en train de les rêver.

- Simone ?

Les pupilles de Simone se dilatèrent à nouveau pour revenir dans cette réalité qui fait mal, cette dimension où les promesses peuvent ne pas être tenues, être bafouées, abandonnées, vendues au diable. Pourtant, elle sentait cette chaleur, cette incroyable flamme qui déjà faisait danser son rêve à l'instant. Non, c'est impossible, cette flamme ne vous enveloppe qu'à l'heure où vous fermez les yeux pour avoir la foi, pour croire encore, toujours, malgré ce que les yeux voient. Même si les yeux d'une femme - ou d'un homme - voient tous les indices possibles tendant à faire croire que les étoiles n'existent pas, dès qu'ils se ferment, son cœur lui donne toutes les preuves possibles qu'elles sont là, quelque part, rarement atteintes, mais c'est ce qui fait leur extraordinaire. Ce qu'elle voyait au moment où elle entendait son prénom, elle le voyait parfaitement, sans aucun doute possible. Pour la première fois de sa vie, elle voyait la même chose que son âme profonde, dans un accord absolument délicieux. Être en accord avec soi-même... ce devait être ça, exactement ça. Quand les yeux, le cœur et l'âme voient la même chose.





- Elle est pour vous Simone. Et je vous promets de pouvoir vous ramener toutes les autres si vous ne cessez jamais de m'offrir votre éclat.

- Je suis à vous Raoul...



Franck Pelé - juin 2012 - textes déposés