vendredi 11 février 2011

Lune froide


- Vous êtes sûr que c'est la lune ça ?

- Que voulez-vous que ce soit Monsieur Raoul ?

- Je ne sais pas mais ça me paraît bien petit pour être la lune. Et puis je l'ai déjà décrochée une fois, pour ma femme, et je peux vous dire que j'en connais un rayon sur le sujet...

- Et si elle avait rétréci sous le choc de son entrée dans l'atmosphère ?

- Non... Impossible. Elle n'a pas une gueule d'atmosphère...

- Mais alors qu'est-ce que c'est ? Ce sont les dieux qui jouaient aux billes quand subitement l'un d'eux aura abusé de sa force lors d'une pichenette finale ?

- Ne dites pas de bêtise Brigadier...

- Nous sommes si petits...

- Parlez pour vous Brigadier... Écoutez, ce n'est ni une bille divine, ni la lune, c'est un mystère que nous éclaircirons très vite, croyez-moi !

- Si c'est la lune, c'est déjà très clair.

- Mais ce n'est PAS la lune, Poulvard !

- Brigadier s'il vous plaît...

- La lune, je l'ai déjà décrochée, j'en ai fait plusieurs croissants, je l'ai taillée, en mille preuves d'amour !

- Pfffff... Personne ne peut décrocher la lune...

- Pour séduire Simone, je peux faire l'impossible.

- Mais c'est impossiiiiiible de faire l'impossible ! Et puis si vous avez décroché la lune, comment se fait-il qu'on en voit une, toutes les nuits, à sa place ?

- Quelqu'un l'aura remplacée.

- Vous ?

- Vous ne me croiriez pas.

- Et ben voilà, quelqu'un l'a remplacée, l'a mal installée, et elle est tombée ! Ou alors vous vous êtes trompés, vous avez mis votre lune de miel à la place de la vraie lune, et sous l'effet de la chaleur du soleil, elle a fondu, et elle est tombée ! Ou alors... tiens ! Je sais ! C'est la lune française que vous avez décrochée ! C'est pour ça qu'on continue de voir la lune, on voit celle du pays d'à côté ! Vous n'êtes jamais retourné là-bas pour la remettre, ni vous, ni personne ! C'est cela, n'est-ce pas ?

- ...........

- ...voilà, oui, je suis sûr que c'est ça ! Et quelqu'un a voulu vous imiter, il est allé décrocher la lune américaine, et comme elle est beaucoup plus loin, elle est beaucoup plus petite, c'est physique ! Du coup, on tient la lune américaine ! C'est énorme !

Et le brigadier se met à chanter "Fly me to the moon"...

- Dites donc Poulvard...

- Brigadier.

- Brigadier, oui... Vous vous protégez la tête quand vous allez à la plage ?

- Heu... non. Pourquoi ? C'est gentil de vous inquiéter pour moi mais je supporte très bien le soleil.

- Vous oui, mais je pensais à votre intelligence.

- Mon intelligence ?

- Je me demande si elle n'a pas fondu elle aussi. Puis elle est tombée. Ou quelqu'un l'aura mal installée, et elle est tombée.

- Elle est tombée où ?

- Je ne sais pas. Tout en bas de votre corps. Vous ne sentez pas votre pas un peu plus lourd qu'avant ?

- Non...

Et le brigadier de marcher, le long de la plage, pour essayer d'estimer la sensation de son inestimable intelligence, qui serait tombée dans ses fonds plantaires. Il sentait soudain monter en lui la peur panique d'avoir perdu sa tête. Il marchait longtemps, forcément, il en avait sous la semelle maintenant. Et il se disait que c'était ça alors, devenir fou. Puisqu'on dit des fous qu'ils marchent sur la tête.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire