lundi 19 décembre 2011

Un menu de rêve



Beverly Hills. Noël 1958. Simone et Raoul ont été invités au somptueux dîner privé donné par Simon Petrossian pour les fêtes de fin d'année. Amant de l'actrice Jayne Mansfield, Petrossian est aussi l'heureux propriétaire du restaurant "Romanoff", l'endroit où le tout-Hollywood aime se montrer. Simone avait choisi une robe splendide, qui dessinait parfaitement ses courbes. Elle l'avait mise pour Raoul, bien sûr, mais aussi pour faire baver de frustration son hôte du soir, elle savait en effet le secret amour que Simon avait pour elle. Surtout, le fait que la pulpeuse Mansfield soit la Madame Petrossian du moment n'avait pas convaincu Simone d'édulcorer ses charmes. Loin de là...

Pourtant, dès l'arrivée de Simone, la nuée de photographes qui n'avait d'objectifs que pour la blonde ballonnée était une raison largement suffisante pour lui gâcher sa soirée. Assis tous les quatre à la même table, Simon demandait conseil à Simone pour le menu du repas de Noël qu'il comptait proposer à sa belle-mère le samedi suivant. Simone répondait dans un anglais parfait, Raoul écoutait à moitié, un œil sur l'incroyable parterre de stars réunies sous le même toit, l'autre sur le fabuleux décolleté de sa voisine de droite. A chaque proposition de Simone, Simon demandait à Jayne ce qu'elle en pensait, et la Jayne ne se faisait pas prier pour descendre en flamme la proposition culinaire de sa rivale française. Simon, aussi courageux qu'une huître, ponctuait inlassablement les réparties de son amante platine d'un "oh oui Jayne, c'est vrai, tu as raison..."

Simone ne bronche pas, jusqu'à ce qu'un photographe la reconnaisse et demande à lui tirer le portrait. Simone autorise le cliché, propose son plus beau sourire et met son buste légèrement en avant. Au même moment, Jayne gonfle ses obus jusqu'à les imposer dans le champ prévu pour la photo de Simone. Les missiles ainsi agités sous le nez de l'ennemie allait mettre fin à la guerre froide et lancer le début des hostilités.

Pour tromper l'adversaire, Simone enchaîne en français :

- Dis donc la Marilyn en bois, t'en as pas marre d'avoir deux arguments pour exister ?

Jayne se tourne vers Simon, qui comprenait parfaitement la langue de Molière :

- What did she say ?

- Nothing honey, nothing... She says that you're a great actress.

- Si j'étais toi, j'enlèverais carrément mon soutien-gorge et je mettrais mes seins dans mon assiette. Comme ça, tu es sûre d'avoir tous les yeux du monde braqués sur toi. C'est bien ça non ?

- What did she say ?

- I say that you are a grosse chaudasse, I say I can help you for your fame if you want, what about splashing your gros seins refaits in your plate to seduce all the men as décérébrés as you are ?

- I'm sorry... I don't understand... Simon... What did she say ?

- Simone, qu'est-ce qui te prend ? Tu dépasses un peu les bornes là quand même !

- Oooooh regardez-le le beau chevalier blanc... Je dépasse les bornes ? Tu veux dire que je vais un peu loin ? Aussi loin que lorsque tu m'envoies des invitations pour tes soirées libertines où nous ne serions que tous les deux ?

Jayne :

- What did she say Simon ?

Raoul, serrant le manche de sa fourchette :

- Simon... Raconte un peu tes petits secrets...

- What did he say ?

Raoul :

- He says comme sa femme. I'm listening to your fiancé about his little secrets. So, range tes ballons and pay attention...

- What little secrets ? Simon ? Whad did they say ???

Raoul :

- Toi Jayne, moi Tarzan, lui banane bientôt flambée. Toi partir chercher autre banane parce que Tarzan va éplucher celle-là.

- I'm sorry... I can't understand...

Simon :

- Mais... mais... Raoul... enfin... tu ne vas pas... mais ta femme raconte n'importe quoi ! Raoul, tu ne vas pas croire une femme jalouse quand même ?

- Un peu plus qu'un homme humide, si... C'est terrible l'incontinence à ton âge Simon... A moins que ce ne soit la peur ?

- Je vais appeler la Police, vous m'entendez ? Je vais appeler la Police !!! Vous ne remettrez plus jamais les pieds dans mon restaurant ! Et si je vous revois dans les parages, avec mes relations, vous avez du mouron à vous faire !

Jayne :

- Did you say "Police" ?

Simone :

- Ah tu vas appeler la Police ? On va les attendre ensemble tiens, j'ai quelques photos à leur montrer...

Simon finit son verre de vin d'un trait, évite le regard de Jayne, sent déjà la baffe que Raoul lui mettra dans quelques instants, et reprend, en anglais :

- Bon, mes amis, je crois que l'alcool nous est un peu monté à la tête... Reprenons où nous en étions, l'idée de Simone pour l'entrée me paraît très bien finalement... Jayne, je sais que tu en as gros sur le coeur, mais pour une fois, écoute ta raison, une femme comme Simone ne peut avoir que d'élégantes propositions pour une table réussie.

Simone, en français :

- Voilà Jayne, écoute ta raison, écoute ce courant d'air qui rebondit dans le vide de ton crâne...

- What is "courant d'air" ? What is "vide" ?

- "Courant d'air" and "vide" are your best friends. In France too, men like Simon love women with courants d'air and vide, that's why Simon is in love with you. Because you are the most "courantd'aired" woman that I have ever seen... Do you understand my dear grosse cruche ?

Pendant que Jayne souriait à ce qu'elle pensait être un sublime compliment d'une femme française, Simone continuait :

- Alors Simon, pour ton repas de Noël chez ta belle-mère, déjà, je t'annonce qu'on va venir avec Raoul.

- Mais... pour quoi faire ?

- Parce qu'on n'a rien de prévu et parce qu'on va se faire un gros plaisir, d'abord avec la table et ensuite avec toi. On va te fêter tout entier mon bon, devant ta légende mammaire, un Saint parmi les seins !

- Sauf si tu préfères toujours appeler la police, évidemment..

Petrossian avale difficilement sa salive :

- Que désirez-vous comme menu ?

- Alors écoute, on va faire simple, déjà, on parlera anglais, pour que personne ne rate une miette du festin, puis ce sera Simon fumé pour tout le monde...

- Simon fumé ?

Raoul :

- Ah oui, excellent pour le teint tu verras ! On va tellement te fumer avec nos jolies vérités que tu vas changer de couleur. Et de ta belle-mère ou de ta fiancée gonflable, je ne sais pas qui va se faire le plus de mouron, mais à mon avis, et malgré le poids qu'elle a sur la face Nord, il se peut que ta chérie en tombe à la renverse ! Une fois que ta dinde sera fourrée au mouron, on la remet à table, et Simone la termine avec la crème de ses vannes, dans la langue de Shakespeare évidemment, que personne n'en perde une goutte...

- What did they say ?

- We ask your fiancé if his dinde is a fan of crème anglaise ?

- What is "dinde" ?

- It's you Jayne ! It's like a beautiful bird we fill with compliments de la maison !

- Oh thank you ! Oh yes, I love crème anglaise ! I was wrong about you Simone, you are very kind... Do you want to come and eat the turkey with us, and my mother, at home on saturday ? Maybe you can bring some "crème anglaise"... ?

Simone, masquant difficilement sa satisfaction répond à Jayne après avoir jeté un regard terrible à Simon :

- Thank you Jayne ! It would be so nice to share this moment with you guys ! Ok for the crème anglaise ma biche... Your husband will remember this dessert forever and ever ! Entre la grosse dinde fourrée au mouron et la biche de Noël, on aura vraiment fait les choses bien ! Hein mon Simon ?

- What did she say ?



Franck Pelé - décembre 2011

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