L'homme invisible rentre chez lui, dans un trois-pièces avec terrasse qu'il partage avec sa femme, invisible elle aussi depuis une surexposition à des rayons gamma lors d'un séminaire sur les particules extraordinaires. Comme d'habitude, Raoul pose ses clés sur la console dans l'entrée et jette son manteau sur le fauteuil. Il entend alors la voix de Simone :
- Oh !!! Doucement là !
- Oh pardon... Je ne t'avais pas vue...
- Très drôle.
- Bon ça va comment je peux savoir aussi ? Je ne vais pas tâter tous les endroits de l'appar...t à chaque fois que je rentre pour voir si tu es là !
- Ouvre les yeux, ça ne marche pas nous deux.
- Pourquoi tu dis ça ? On est fait l'un pour l'autre plus que n'importe qui !
- Mais c'est ingérable ! C'est une relation de confiance impossible ! Je ne peux même pas me confier à ma meilleure amie au téléphone parce que je me demande si tu es là. Je sais que tu me le dirais mais avec le cynisme ambiant, tout est possible...
- Oui enfin quand tu lui as raconté que tu faisais tes courses à poil pour profiter de cette folle liberté permise par l'absence de regards sur toi tu t'es quand même pas mal confiée...
- L'enfoiré... J'en étais sûre... C'est bon je me tire...
- Rrrrooo... arrête un peu, je plaisante, ça va... C'est la seule conversation que j'ai entendue et c'était complètement par hasard, je te jure.
- Non, ça ne sert à rien Raoul. De toute façon, on ne se voit jamais...
- Peut-être mais l'avantage c'est que tu ne me diras jamais que je ne te regarde plus comme avant...
- Moi j'ai envie de voir ta tête, tes artifices, ton image, ta moue, tes grimaces, tes larmes, ton sourire, ton regard, tu comprends ? J'en ai marre de tout sentir, de tout ressentir, j'en ai marre de ton être, je veux ton paraître, je veux l'expression de toi, je veux te voir merde ! T'es comme un rêve qui me parle et je ne te vois jamais, je ne me réveille jamais, j'aime une voix, une présence mais je ne sais pas à quoi tu ressembles !
- Je ressemble exactement à l'idée que tu te fais de moi.
- C'est marrant... J'ai l'impression d'avoir déjà vécu cette scène... Tes mots à l'instant, le ton de ta voix, tout ça...
- On appelle ça le "déjà-vu" je crois... Et j'avais un visage dans cette scène ?
- Oui...
- Tu vois qu'on peut tout voir.
- Peut-être que j'ai fait disparaître ton image dans ma réalité... Pour mieux te garder... Tu vois ce que je veux dire ?
- Je vois juste que tu voulais partir il y a deux minutes parce qu'on ne se voyait jamais... T'es chiante Simone...
- Oui mais je ne vieillis jamais... Tu me quitterais si tu me voyais vieillir ?
- Pour une plus jeune qui ne pourrait voir sa beauté se refléter dans mes yeux ? Pour une visible qui ne ferait que se montrer pendant que je me tuerais à lui démontrer que je serais toujours là pour elle même si elle ne me sent pas ? C'est très improbable.
- J'aurais préféré impossible...
- Te regarder est impossible. C'est pour ça que je t'aime, c'est pour ça que je veux te garder. Tu es mon absente omniprésente. Tu es la beauté du vide. La magie du mystère. Tu es la voix du silence. Tu es les contours de mes rêves. Tu n'existes pas à mes yeux, et si tu n'existais pas, mes yeux ne verraient plus rien. Tu es nulle part et tu es partout. Je ne te vois pas, je ne te verrai jamais, mais je pourrais te dessiner les yeux fermés...
- Embrasse-moi...
- Où es-tu ?
- Comme d'habitude, là où tu ne m'attends pas...
Franck Pelé - textes déposés SACD - février 2014
- Oh !!! Doucement là !
- Oh pardon... Je ne t'avais pas vue...
- Très drôle.
- Bon ça va comment je peux savoir aussi ? Je ne vais pas tâter tous les endroits de l'appar...t à chaque fois que je rentre pour voir si tu es là !
- Ouvre les yeux, ça ne marche pas nous deux.
- Pourquoi tu dis ça ? On est fait l'un pour l'autre plus que n'importe qui !
- Mais c'est ingérable ! C'est une relation de confiance impossible ! Je ne peux même pas me confier à ma meilleure amie au téléphone parce que je me demande si tu es là. Je sais que tu me le dirais mais avec le cynisme ambiant, tout est possible...
- Oui enfin quand tu lui as raconté que tu faisais tes courses à poil pour profiter de cette folle liberté permise par l'absence de regards sur toi tu t'es quand même pas mal confiée...
- L'enfoiré... J'en étais sûre... C'est bon je me tire...
- Rrrrooo... arrête un peu, je plaisante, ça va... C'est la seule conversation que j'ai entendue et c'était complètement par hasard, je te jure.
- Non, ça ne sert à rien Raoul. De toute façon, on ne se voit jamais...
- Peut-être mais l'avantage c'est que tu ne me diras jamais que je ne te regarde plus comme avant...
- Moi j'ai envie de voir ta tête, tes artifices, ton image, ta moue, tes grimaces, tes larmes, ton sourire, ton regard, tu comprends ? J'en ai marre de tout sentir, de tout ressentir, j'en ai marre de ton être, je veux ton paraître, je veux l'expression de toi, je veux te voir merde ! T'es comme un rêve qui me parle et je ne te vois jamais, je ne me réveille jamais, j'aime une voix, une présence mais je ne sais pas à quoi tu ressembles !
- Je ressemble exactement à l'idée que tu te fais de moi.
- C'est marrant... J'ai l'impression d'avoir déjà vécu cette scène... Tes mots à l'instant, le ton de ta voix, tout ça...
- On appelle ça le "déjà-vu" je crois... Et j'avais un visage dans cette scène ?
- Oui...
- Tu vois qu'on peut tout voir.
- Peut-être que j'ai fait disparaître ton image dans ma réalité... Pour mieux te garder... Tu vois ce que je veux dire ?
- Je vois juste que tu voulais partir il y a deux minutes parce qu'on ne se voyait jamais... T'es chiante Simone...
- Oui mais je ne vieillis jamais... Tu me quitterais si tu me voyais vieillir ?
- Pour une plus jeune qui ne pourrait voir sa beauté se refléter dans mes yeux ? Pour une visible qui ne ferait que se montrer pendant que je me tuerais à lui démontrer que je serais toujours là pour elle même si elle ne me sent pas ? C'est très improbable.
- J'aurais préféré impossible...
- Te regarder est impossible. C'est pour ça que je t'aime, c'est pour ça que je veux te garder. Tu es mon absente omniprésente. Tu es la beauté du vide. La magie du mystère. Tu es la voix du silence. Tu es les contours de mes rêves. Tu n'existes pas à mes yeux, et si tu n'existais pas, mes yeux ne verraient plus rien. Tu es nulle part et tu es partout. Je ne te vois pas, je ne te verrai jamais, mais je pourrais te dessiner les yeux fermés...
- Embrasse-moi...
- Où es-tu ?
- Comme d'habitude, là où tu ne m'attends pas...
Franck Pelé - textes déposés SACD - février 2014
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