- Tu as bien dormi mon amour ?
- Oh... Je viens de faire un rêve tellement... c'était tellement vrai... J'étais jeune, je devais avoir vingt-cinq ans, on était sur une route de campagne, l'été, je conduisais une de tes belles voitures, la Jaguar je crois, j'avais ma petite robe blanche à motifs violets, tu te souviens ?
- Très bien oui... Je me souviens surtout des moments où je la déboutonnais.
- Oh... Je viens de faire un rêve tellement... c'était tellement vrai... J'étais jeune, je devais avoir vingt-cinq ans, on était sur une route de campagne, l'été, je conduisais une de tes belles voitures, la Jaguar je crois, j'avais ma petite robe blanche à motifs violets, tu te souviens ?
- Très bien oui... Je me souviens surtout des moments où je la déboutonnais.
..
- J'ai vieilli Raoul... Regarde-moi ça... Dans mon rêve, ma peau était belle, ferme, douce, claire, comme neuve, et là, on dirait un vieux sac en croco.
- Pfff... n'importe quoi... Tu es toujours aussi belle, et si ta peau accueille quelques petits dessins du temps, c'est parce que le temps est jaloux de ton éternité.
- Quelle éternité ?
- Celui de ton charme, de ta classe, de ta jeunesse que je vois tous les jours dans tes yeux, dans tes mots, dans tes rires, dans tes petites habitudes, dans tes doutes aussi.
- Tu es gentil mon chéri, mais ton amour ne va pas suffire à me convaincre que je ne vieillis pas... Mes seins tombent doucement, eux qui étaient si fiers, mes épaules suivent le même chemin de ce lent déclin, j'ai des rides à tous les coins de rue, si je me maquille je fais vieille et si je ne me maquille pas je fais morte...
- Mais tu es folle ou quoi Simone ?
- ...
- Simone !!!
- Quoi...
- Tu es absolument divine, splendide, sensuelle comme jamais, tes seins ont la même sensibilité, la même élégance, le même goût, et je me fous de savoir où ils regardent ! Tant qu'ils ne regardent que moi... Tes petites rides sont des passerelles entre toutes les époques où j'ai eu la chance de t'avoir comme femme, quand tu te maquilles, tous les hommes deviennent fous, à la limite de l'état sauvage, et quand tu ne te maquilles pas, tous les hommes ratent la plus délicieuse beauté naturelle qui soit, celle que je vois tous les matins !
- C'est toi qui me rends belle mon amour...
- Arrête avec cette compétition que chaque femme veut livrer à son image... On s'en fout. Et puis c'est idiot, si tu le vois comme un combat, il sera perdu, le temps est plus fort, toujours. Accepte-la ton image, et surtout, arrête de voir les gens qui ne voient les autres qu'à travers ce prisme ridicule de la compétition physique, de la perfection, de l'idéal. Va voir les gens qui t'aiment, ceux qui savent qui tu es, qui ont toujours été sous le charme, jamais jaloux, jamais envieux, jamais méchants, passe du temps avec eux, ils le méritent. Parce que ce sont ces gens-là qui rendent beau.
- C'est vrai... Quand je pense à mes amis, à ceux qui ont cette nature dont tu parles, je me souviens que je suis toujours bien avec eux, que je ne fais jamais attention à mon allure, ma façon de m'habiller, de me coiffer ou de me maquiller, je suis simplement bien, moi-même, et je me sens belle... Parce que je sais qu'ils me trouvent belle... Et puis surtout parce qu'ils sont plus vieux que moi...
- Simone...
- Je plaisante ! Non... Bien sûr que je sais la richesse de ces gens-là... Quel que soit mon âge, ils me trouveront toujours charmante, ils le penseront, je le sentirai, à chaque fois, comme une cure de jouvence... Je sais mesurer la différence de qualité entre la beauté qu'ils voient et celle après laquelle on court comme des aveugles... Et cette beauté-là, quand on vous l'offre, qu'est-ce qu'on est bien... Qu'est-ce qu'on est beau...
- Tu vois que tu n'as aucune raison de t'inquiéter... A moins que tu ne sois déçue de ne plus faire fantasmer les jeunes trentenaires dans la rue...
Simone regarde le visage de Raoul, encore éclairé d'un sourire complice et légèrement ironique, elle attrape un coussin et le lance soudainement dans sa direction. S'en suit une folle bataille de tout ce qui se trouve à portée de main, et quand Raoul immobilise enfin sa femme en lui tenant les poignets, plaqués sur le lit, allongé sur elle, elle lui chuchote :
- Je les fais toujours fantasmer les jeunes trentenaires... Autant que leurs pères et leurs grand-pères... Mais je ne suis jamais aussi belle que dans tes yeux mon amour... Et si c'est le plus beau cadeau que tu me fais chaque jour depuis trente ans, tu m'en fais un autre, tout aussi beau, depuis toujours...
- Lequel ?
- C'est grâce à tes yeux que je n'ai jamais cessé de voir la vie aussi belle, même quand les miens ne voulaient plus y croire.
- Je n'ai aucun mérite. Tu as toujours été dans mon champ de vision...
Franck Pelé -Novembre 2012 - textes déposés à la SACD
- J'ai vieilli Raoul... Regarde-moi ça... Dans mon rêve, ma peau était belle, ferme, douce, claire, comme neuve, et là, on dirait un vieux sac en croco.
- Pfff... n'importe quoi... Tu es toujours aussi belle, et si ta peau accueille quelques petits dessins du temps, c'est parce que le temps est jaloux de ton éternité.
- Quelle éternité ?
- Celui de ton charme, de ta classe, de ta jeunesse que je vois tous les jours dans tes yeux, dans tes mots, dans tes rires, dans tes petites habitudes, dans tes doutes aussi.
- Tu es gentil mon chéri, mais ton amour ne va pas suffire à me convaincre que je ne vieillis pas... Mes seins tombent doucement, eux qui étaient si fiers, mes épaules suivent le même chemin de ce lent déclin, j'ai des rides à tous les coins de rue, si je me maquille je fais vieille et si je ne me maquille pas je fais morte...
- Mais tu es folle ou quoi Simone ?
- ...
- Simone !!!
- Quoi...
- Tu es absolument divine, splendide, sensuelle comme jamais, tes seins ont la même sensibilité, la même élégance, le même goût, et je me fous de savoir où ils regardent ! Tant qu'ils ne regardent que moi... Tes petites rides sont des passerelles entre toutes les époques où j'ai eu la chance de t'avoir comme femme, quand tu te maquilles, tous les hommes deviennent fous, à la limite de l'état sauvage, et quand tu ne te maquilles pas, tous les hommes ratent la plus délicieuse beauté naturelle qui soit, celle que je vois tous les matins !
- C'est toi qui me rends belle mon amour...
- Arrête avec cette compétition que chaque femme veut livrer à son image... On s'en fout. Et puis c'est idiot, si tu le vois comme un combat, il sera perdu, le temps est plus fort, toujours. Accepte-la ton image, et surtout, arrête de voir les gens qui ne voient les autres qu'à travers ce prisme ridicule de la compétition physique, de la perfection, de l'idéal. Va voir les gens qui t'aiment, ceux qui savent qui tu es, qui ont toujours été sous le charme, jamais jaloux, jamais envieux, jamais méchants, passe du temps avec eux, ils le méritent. Parce que ce sont ces gens-là qui rendent beau.
- C'est vrai... Quand je pense à mes amis, à ceux qui ont cette nature dont tu parles, je me souviens que je suis toujours bien avec eux, que je ne fais jamais attention à mon allure, ma façon de m'habiller, de me coiffer ou de me maquiller, je suis simplement bien, moi-même, et je me sens belle... Parce que je sais qu'ils me trouvent belle... Et puis surtout parce qu'ils sont plus vieux que moi...
- Simone...
- Je plaisante ! Non... Bien sûr que je sais la richesse de ces gens-là... Quel que soit mon âge, ils me trouveront toujours charmante, ils le penseront, je le sentirai, à chaque fois, comme une cure de jouvence... Je sais mesurer la différence de qualité entre la beauté qu'ils voient et celle après laquelle on court comme des aveugles... Et cette beauté-là, quand on vous l'offre, qu'est-ce qu'on est bien... Qu'est-ce qu'on est beau...
- Tu vois que tu n'as aucune raison de t'inquiéter... A moins que tu ne sois déçue de ne plus faire fantasmer les jeunes trentenaires dans la rue...
Simone regarde le visage de Raoul, encore éclairé d'un sourire complice et légèrement ironique, elle attrape un coussin et le lance soudainement dans sa direction. S'en suit une folle bataille de tout ce qui se trouve à portée de main, et quand Raoul immobilise enfin sa femme en lui tenant les poignets, plaqués sur le lit, allongé sur elle, elle lui chuchote :
- Je les fais toujours fantasmer les jeunes trentenaires... Autant que leurs pères et leurs grand-pères... Mais je ne suis jamais aussi belle que dans tes yeux mon amour... Et si c'est le plus beau cadeau que tu me fais chaque jour depuis trente ans, tu m'en fais un autre, tout aussi beau, depuis toujours...
- Lequel ?
- C'est grâce à tes yeux que je n'ai jamais cessé de voir la vie aussi belle, même quand les miens ne voulaient plus y croire.
- Je n'ai aucun mérite. Tu as toujours été dans mon champ de vision...
Franck Pelé -Novembre 2012 - textes déposés à la SACD
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