mardi 25 janvier 2011

La gourmandise est un vilain défaut


- Simone, tu es le plus beau cadeau dont un homme puisse rêver... Il n'y a absolument rien ni personne qui puisse t'arriver à la cheville, c'est tous les jours Noël quand je te regarde...

- Bon Raoul, t'en as pas marre du romantisme là, ça dégouline à force ! Alors ma cheville, tu la prends, tu me la mets sur l'épaule et tu me décores comme un sapin de Noël, en me parlant des vrais cadeaux que tu voudrais me faire, avec des guirlandes de caresses et la magie de...

- ...mais qu'est-ce qui te prend d'un seul coup ? Tu ne peux pas me dire que je suis ton plus beau cadeau moi aussi ?

- Mais non ! Non, je ne peux pas te dire ça, non ! Parce que je t'adore mais une petite robe Chanel, un voyage aux Maldives ou une suite au Ritz avec accès au Spa pendant une semaine, c'est aussi un beau cadeau, et tu as beau être l'homme idéal, tu ne peux pas m'offrir l'équivalent avec tes sentiments et tes mots les plus doux !

- T'en as jamais assez Simone, tu me gonfles ! Je connais des milliers de femmes qui adoreraient entendre ce que je viens de te dire au pied du sapin !

- Et moi je connais toutes les autres, qui adorent les compliments, mais qui ne voyagent pas, ne se parfument pas ou ne s'habillent pas avec des mots ! Et ça fait des millions !

- Ok, je vais boire un coup avec Charles, je reviendrai quand tu seras redescendue dans le même monde que moi !

- Tu me poses un lapin là ?

- Oui ! Un beau lapin de Noël, t'as qu'à rêver à tes goûts de luxe au pied du lapin !

Simone prend alors Raoul par la taille, le serre contre elle, et fais mine de l'embrasser dans le cou. Là, elle lui glisse discrètement, en chuchotant à peine :

- Raoul... Tu es le plus beau cadeau dont une femme puisse rêver, mais là, tu vois, il y a le Père Noël qui nous regarde depuis un quart d'heure à travers la fenêtre du salon, et si jamais je t'avais dit ce que tu voulais entendre tout à l'heure, il serait parti immédiatement. Il aurait compris qu'aucun cadeau n'aurait pu nous satisfaire ou nous rendre plus heureux que ce qu'on s'offre déjà, tous les jours, depuis toujours...

Raoul marque un temps. Puis repousse Simone et lui lance :

- Parce que tu crois que tu es la seule à avoir des goûts de riche ? Toi non plus tu ne peux me satisfaire totalement avec tes mots ! J'ai beau adorer piloter sur tes courbes, tu ne ferais pas le poids avec le bruit du V12 Ferrari ou la douce musique d'une Jaguar Type E ! J'adore jouer les prolongations avec toi, jusqu'aux tirs au but, mais l'ivresse d'une Coupe du Monde au Brésil avec le voyage qui va avec serait incomparable, et un costume Gianfranco Ferre à 5000 pourrait me donner largement autant de classe que ton regard d'adolescente transie !

- Ah d'accord... Ah D'accord !!! C'est moi qui vais boire un verre avec Paulette !

- Tu me poses un lapin toi aussi ? C'est pas hyper original...

- Comme ça ils seront deux, ils pourront se grimper dessus, le Père Noël pourra mater et il pourra rentrer chez lui à l'heure ! Remarque, il n'aurait pas perdu beaucoup plus de temps s'il nous avait regardés nous...

Raoul, comprenant que sa femme devient sérieuse :

- Mais Simone, je ne comprends pas, j'ai fait exactement comme toi et...

- ...sauf que toi quand tu le dis, y'a cette espèce d'accent de vérité qui me hérisse le poil ! Alors va conduire ta bagnole au Brésil avec ton costard, et ne viens plus jamais me faire le coup du prince charmant !

Là, Simone sort, met une gifle au Père Noël et lui balance :

- Toi, t'es comme le Prince Charmant, t'existes pas ! T'es venu pour quoi, pour nous cambrioler ? Y'a plus rien à voler mon pote, la seule chose de valeur ici c'était mon coeur, et tu viens de le faire pleurer avec tes conneries ! Alors tu prends ton traîneau et tu dégages !!!

Le Père Noël, tremblant d'effroi, siffle alors ses rênes, fonce sur son traîneau et disparaît dans le clair de lune et les nuages, laissant Simone bouche bée...

Raoul, qui a assisté à la scène sur le perron, lui lance :

- Ah bah bravo, t'as intérêt à te satisfaire du peu que je t'offre maintenant, et pour un bout de temps, parce que vu qu'il a le même âge depuis la nuit des temps, je suis pas sûr qu'il y ait des élections dans les mois qui viennent...

Simone saisit alors une bûche et, le regard assassin, fond comme un aigle sur sa proie en hurlant sa rage ! Raoul l'évite, et se met à courir autour de la maison, dans un mètre de neige, poursuivie par sa femme qui, toute sa vie, regrettera d'avoir été trop gourmande...

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