mercredi 30 août 2017

Fais pas ci fais pas ça




- Pourquoi prends-tu autant de risques Simone ? Tu ne veux pas rester un peu tranquille ? Tu es belle, tu as un boulot, un homme qui t'aime, une famille, pourquoi tu veux absolument goûter à ce qui te changerait aux yeux des autres ?

- Des risques ? Mais ça t'a effleuré le chapeau que les pires risques possibles soient ceux que tu prends quand tu choisis de ne rien changer Paulette ???

- Arrête de crier Simone tout le monde se retourne...

- Et alors ??? Tout le monde se retourne ? Et pourquoi ils se retournent à ton avis ? Parce que je crie ou pour ce que je dis ? Quelle que soit la raison ils s'en rappelleront ce soir, ils s'endormiront même peut-être avec cet évènement de leur journée ! Le seul qui aura été vrai, spontané, vivant dans leur vie sans aspérités ! Elle est lisse votre vie, ne changez rien, vous avez raison, ça fait moins mal au quotidien ! Mais putain le réveil va être compliqué pour certains je vous le dis !

- Arrête Simone !

- Mais c'est toi arrête ! Pourquoi tu me dis que je veux goûter à ce qui me changerait aux yeux des autres ??? T'en as pas marre de tirer la langue uniquement à l'heure de l'hostie franchement ? Pourquoi la certitude que la saveur est ailleurs est toujours transformée par une pauvre curiosité qui ne cherche qu'à goûter pour mourir moins con ? Moi je te dis qu'on peut changer de route sans forcément avoir tort ! Je te dis qu'on peut croquer cette putain de vie sans devoir supporter le procès de vouloir la goûter ! Comme si un choix fait avant un autre lui donnait toute sa légitimité !

- Tu es vulgaire Simone avec tes putain toutes les trois phrases...

- C'est toi qui es vulgaire avec tes cheveux bien tirés et tes sourires polis ! Rien n'est plus inélégant que de mettre des croix dans toutes les cases qu'on te dit de remplir dès le plus jeune âge ! La classe c'est de savoir poser ta boîte à schémas et de marcher librement sur la ligne que TU traces !

- Mais merde Simone !!! Merde !!! Et pourquoi ce serait ton point de vue le bon ? Pourquoi on ne pourrait pas être heureuse dans une vie lisse ?? Pourquoi on ne pourrait pas rester vingt ans derrière un bureau en étant heureux d'y être ?Pourquoi on ne pourrait pas reproduire l'amour de nos grands-parents ??

- Mais parce que ce n'est plus le même monde ! Tu veux qu'on demande à mamie si elle a été vraiment heureuse ? Et papy ?

Oui d'accord du côté de papa c'était chouette, et encore, y'a eu du dérapage plus ou moins contrôlé, mais le père de maman, papy Lou, tu mesures à quel point il s'est emmerdé avec notre bonne petite grand-mère ? Je ne sais même pas s'il a vu son corps une fois en pleine lumière !

- Simone !

- Je parle de son corps jeune...

- Arrête

- Les femmes n'étaient pas indépendantes, elles n'avaient pas le choix, et le divorce c'était comme une verrue au milieu du numéro de ta rue ! Et puis personne ne changeait de boulot, et si tu voulais en changer tu pouvais parce qu'il y avait du boulot partout !  

- Moi je te dis que c'est encore possible de vivre des choses qui durent !

- Mais rien ne dure Paulette ! Arrête de croire à tout ce qu'on te dit ! A toutes les promesses en guimauve et aux serments en bois ! Arrête ! Il faut aimer bordel, il faut changer de métier, d'endroit, de mec s'il faut, il faut embrasser, il faut se planter, il faut aller où on a peur d'aller, il faut apprivoiser le sauvage, découvrir l'inconnu, et surtout il faut aller au delà de l'image que cette putain de société immobile nous renvoie de nous-même ! Si on se sent perdu quelque part il faut se retrouver ailleurs ! Se retrouver soi-même.

- Alors à quoi ça sert de changer si rien ne dure ???

- Pardon ! Pardon... d'accord. Il y a une seule chose qui dure. C'est l'exceptionnel. C'est pour ça qu'il s'appelle comme ça d'ailleurs. Et c'est pour ça qu'on change, parce que si ton travail n'est pas exceptionnel, si ton amour n'est pas exceptionnel, si ta famille n'est pas exceptionnelle, aucun ne dure.

- Ah bon tu peux changer de famille ?

- Non tu ne peux pas changer de famille, mais tu peux vite avoir l'impression de ne plus en avoir si les liens qui font cette famille ne sont pas exceptionnels. Moi, à part toi, ma soeur, et les parents, même s'ils ne sont plus ensemble, je me sens orpheline d'un monde secret, d'un nid douillet, de ces gens qui avaient le même sang et nous regardaient grandir avec intérêt, sourire, générosité, empathie. Qui t'appelle toi ? Qui t'écrit ? Qui t'écoute avec une vraie qualité d'écoute dans notre jolie petite famille ?

- Heu... Tatie elle m'appelle...

- Oui d'accord... Et à part elle ? Qui écoute tes erreurs ou tes coups de colère sans te juger ou te dire que l'autre a raison et que tu n'es que la petite Simone ou la petite Paulette qui a encore plein de choses à apprendre ?

- Mais c'est normal, en grandissant, chacun se recentre un peu sur son noyau dur, ses enfants et petits-enfants...

- Non ! Pas normal ! La famille d'Héloïse tu vois, ça c'est de la famille, comme j'aime, ils s'écoutent, ils discutent, ils se retrouvent, ils essaient de se comprendre, dans la nôtre on essaie de nous convaincre d'être le contraire de ce qu'on est. Tu comprends Paulette ? Tu comprends où il est le vrai drame là ? Il est justement là. Et quand un patron, un mari, une femme, un ami, une confidente, un soeur, un cousin, veulent essayer de te faire comprendre que tu dois être le contraire de ce que tu es pour toucher ce qu'ils appellent le bonheur, tu es anéantie, consternée, et tu te demandes si ton coeur est fait de la même matière que le leur. Leur bonheur je n'en veux pas, faire ce qu'il faut, être comme il faut, faire semblant pour sauver les apparences ou ne pas affronter le conflit parce que ça fait des vagues, au secours... Jamais... Rien ne dure Paulette... sauf l'exceptionnel. Il faut se donner le temps de l'exceptionnel. Même s'il reste le temps d'un éclair. Son empreinte sera toujours plus forte que des millions d'années à se sourire sans bouger.

- Mais alors on fait quoi si on n'est pas sûre d'avoir son exceptionnel dans toutes ces catégories ?

- Il faut rester tant qu'on se sent vivante, reste si tu es bouleversée, reste si tu te sens à ta place, reste si tu es celle que tu veux être quand tu te vois derrière ton bureau, à droite de ton chéri dans la voiture ou à sa gauche dans ton lit, reste si tu es sûre d'être au bon endroit, mais par pitié ne me dis jamais ce que je dois faire, ce que je dois être ni où je dois aller. Ne te sers jamais de mes choix ou de mes actes pour faire de moi une coupable... Accepte-moi, je ne vais pas dire comme je suis parce que cette phrase est trop usée, mais comme je vis. Accepte-moi comme je vis, comme je sens, comme je ressens, accepte que je sois différente de toi, accepte que mon bonheur ne soit pas forcément le tien... Et si notre famille est décimée, tu resteras le plus beau pilier encore en vie, celui qui cultivera ma fierté.

- Je t'aime Simone...

- Moi aussi je t'aime Paulette... Surtout quand tu ne me dis pas comment je dois aimer et comment je dois vivre...

- Tu crois que je dois changer de boulot ?

- De boulot je ne sais pas mais de mec c'est sûr...

- C'est vrai ??? Mais il est super gentil !!

- Mais non je plaisante... c'est parfait s'il est super gentil... fais juste attention de ne pas être trop super gentille, parce que le super gentil a besoin d'être un peu testé pour le rester... Et ton boulot, tu le gardes tant que tu ne le sens pas te bouffer quand tu rentres le soir à la maison... Le contraire de ton super gentil en fait...

- Simone !!!

- Détends-toi ou je te pince le sein devant tout le monde...

- Mais arrête enfin ! C'est fou comme on est différentes toutes les deux, tu t’en rends compte ?

- C'est fou comme j'ose tout ce que tu n'oses pas, ça ne veut pas forcément dire qu'on est différentes... Bonne soirée ma biche... Embrasse ton super gentil pour moi...

- Où tu vas ?

- Retrouver mon super héros...

- C'est qui ?? Mais tu ne m'as rien dit c'est qui ???

- Il s'appelle Raoul... Je te raconterai... Si tu es... un peu moins sage...



Franck Pelé - août 2017

mardi 11 juillet 2017

Plus belle la fin




- Pourquoi ça n'arrive jamais dans un couple qu'on respecte les choix de l'autre même quand ils disent la fin du couple ?

- Je ne te suis pas chéri...

- Pourquoi, lorsque l'un des deux désire que ça s'arrête, ça n'arrive jamais que l'autre le comprenne et l'accepte sans insulter ou traîner dans la boue ?

- Y'a un message là Raoul ?

- Non y'a pas de message, c'est une constatation, une pensée, presque un principe. Parce qu'on exprime la vérité d'un coeur qui s'éteint doucement à quelqu'un il faudrait qu'on devienne subitement un salaud, une ordure, un traître, mais merde !

- Tu es très très remonté là... Et pourquoi ce soudain plaidoyer en faveur des incompris dont le coeur s'éteint doucement ? Attends je me mets dans le canapé, j'ai l'impression qu'il va me falloir moins d'altitude au cas où je tombe... Parce que tu sais parfois, on tombe de haut...

- Je vais te raconter une histoire... C'est une histoire vraie qui est arrivée à une amie. Elle vivait avec une célébrité, elle était très fidèle et très amoureuse mais elle sentait que celui qui lui avait donné un enfant était lui seulement très amoureux. Elle a pardonné la première tromperie mais elle l'a quitté à la seconde. Elle a rencontré un autre homme, assez célèbre lui aussi, non pas que c'était une condition à son état séduit mais il se trouve qu'elle évoluait dans un monde artistique. Coup de foudre mutuel, ils vivent ensemble, ils achètent une maison ensemble, et quelques mois avant d'emménager dans cette nouvelle maison il lui dit "j'ai rencontré la femme de ma vie". N'importe quelle femme à ce moment là l'aurait encastré dans le mur, frappé, giflé, insulté, réduit à une image de merde absolue. Elle, elle savait que l'âme de cette homme était belle, elle savait qu'il ne pouvait pas dire cela gratuitement. Elle a juste répondu "je veux la rencontrer". Il a accepté de lui présenter. Et quand elle les a vus, là c'est elle qui me l'a raconté, elle a su. Elle m'a dit "il avait raison, c'était la femme de sa vie, elle était faite pour lui, ça me rendait malade mais c'était le couple parfait, il avait trouvé son autre."

- Et alors ?

- Elle a mis des mois à s'en remettre évidemment mais quelques mois plus tard elle a aussi rencontré son autre, l'homme de sa vie à elle, cette épaule chaleureuse, son ours idéal. Elle m'a alors dit "si on était restés ensemble, ça aurait peut-être marché, peut-être pas, si je l'avais empêché de vivre cet amour évident, je l'aurais détruit, je nous aurais détruits, et aujourd'hui, on est heureux, chacun de notre côté, et heureux d'être restés très complices. La bienveillance est parfois aussi chaleureuse que l'amour."

- Je veux la rencontrer.

- Pardon ?

- Tu ne me dis pas ça pour me raconter l'histoire du jour je te connais, et comme tu adorerais que je réagisse comme cette femme, je te dis que je veux la rencontrer.

- Mais rencontrer qui ?

- Oh arrête Raoul ! Tu me fais Acte II Scène 3 pour me préparer à quelque chose d'assez difficile à digérer je dois te le dire, je te fais l'honneur d'écouter ton discours avec respect et empathie, je suis honnête dans ma réaction parce que je te dis sans détour, là, tout de suite, que j'ai envie de t'encastrer dans le mur mais je sais que tu as raison avec ton histoire et qu'il faut respecter les choses qui arrivent naturellement sans tricherie ni trahison alors ne trahis pas cette réaction et dis-moi à ton tour les choses avec la transparence qu'elles méritent !

- Je t'aime tu sais...

- Mais ?

- Mais quoi ?

- Il y a un mais j'imagine...

- Oui

- Ton coeur s'est éteint

- Un peu oui

- On vit dans le noir et dans le froid depuis des mois si tu crois que j'avais pas remarqué qu'il s'était éteint...

- Mais le tien aussi non ? Un peu...

- Oui un peu c'est vrai...

- Et tu as souvent dit que c'était à cause de moi mais c'est parce que tu avais besoin d'un coupable... Toi aussi tu as parfois compris que la fin rôdait sans qu'on ne puisse faire quoi que ce soit.

- Oui... et ça m'emmerde profondément Raoul excuse-moi d'être vulgaire. Je ne voulais pas de fin moi, quand je signe c'est pour toujours. Mais c'est vrai que certains hivers s'installent plus durablement que d'autres.

- Moi non plus je ne voulais pas de fin, je ne suis pas sûr qu'on décide qu'une histoire dure ou non. Bien sûr si on met tous les ingrédients nécessaires à l'éternité, la compréhension, l'acceptation, la bienveillance encore une fois, si on étouffe un peu son orgueil, son intolérance, si on offre à l'autre autant d'indulgence qu'on en a pour soi-même, alors on peut aller très loin... mais c'est bien plus facile à dire qu'à faire...

- Je la connais ?

- Non

- Tu es amoureux ?

- Oui

- N'aie pas peur de me faire mal, je saurai entendre ce que je te demande maintenant. Dis-moi quelques mots en me parlant d'elle. Je veux sentir ce qui t'anime quand tu en parles.

- Tu ne pourras pas supporter...

- Si je pourrai. Parce que je viens de le décider. Et parce que je sais que tu as raison. Et que l'histoire de ton amie a raison. On ne peut jamais empêcher l'amour, on ne peut que détruire le sien en essayant d'en empêcher un autre. Alors par amour, j'accepte de ne plus être la seule à qui tu ne peux dire ces mots. Parce que tu as déjà voulu me les dire n'est-ce pas ?

- Mille fois. Mais comment raconter à une femme à qui on a tout donné une autre femme à qui on veut tout donner...

- Ce n'est possible que si elle accepte d'aller au-delà de cette douleur orgueilleuse et fière, ce n'est pas simple, il se peut que je lacère la canapé avec mes ongles, mais je suis prête. Fais-le pour moi. S'il te plaît... J'ai besoin de savoir si tu ne te trompes pas toi-même.

- D'accord... C'est elle. Quand je l'embrasse, quand elle m'embrasse, c'est tellement exactement ça... C'est tellement le meilleur baiser possible qu'il est inconcevable de penser qu'une autre femme puisse me dire mieux avec sa bouche. Quand elle me regarde, la couleur de ses yeux repeint le monde entier et tout devient beau. Quand elle me dit son amour, il est parfait, idéal, définitif, fort de tout ce qu'elle attend et qu'elle sait avoir trouvé, fort du mien qui est fait du même feu. Elle sait tout de la routine qui use, de la vie qui sépare ou des mirages des débuts, mais là elle sait, ça bat dans son ventre, et le manque de l'un chez l'autre invente un vide insupportable. Elle pourrait finir toutes mes phrases, je pourrais commencer les siennes, elle sait me lire, elle comprend l'existence de ces imperfections que les autres utilisent pour condamner et elle en fait des fleurs. Elle...

- Tu es amoureux Raoul. Comme tu en rêvais... Comment s'appelle-t-elle ?

- Tu ne chercheras pas à la voir ?

- Ah si ! Je t'ai dit que je voulais la rencontrer. Mais finalement, je n'en ai pas besoin, tes mots à l'instant suffisent. Et je crois qu'ils ont même dessiné son visage tellement ils parlent bien d'elle. Tu sais, mon orgueil de femme devrait te laisser seul sur la chaise du coupable mais je suis tombée amoureuse moi aussi. Il n'est pas aussi bien que toi, il ne me va pas aussi bien que toi, mais il m'aime avec un coeur allumé. Et je me suis laissée faire...

- Elle s'appelle Simone.







Franck Pelé - Juillet 2017

lundi 12 juin 2017

La maladie d'amour



- T'étais où ?

- Simone, pose ça... pose ça tout doucement...

- Tu me prends pour qui espèce de fourreur de jupons ???

- On dit coureur non ? Mais pourquoi tu dis ça ? Qu'est-ce qui te prend ?

- Ah excuse-moi mais ça fait longtemps que t'as arrêté de courir ! Maintenant tu choisis au toucher, à l'ouverture, tu prends ce que t'as sous la main ! Tu reprends du poil de la bête ! Et t'es devenu le plus grand fourreur de la région !

- Arrête, ça ne te va pas du tout d'être vulgaire...

- Vulgaire ? Mais je m'adapte à la qualité de ton cerveau pour que tu me comprennes fort et clair mon grand malade !

- Malade de quoi ? J'aurais pas le droit d'aimer SI j'étais amoureux ??

- Mais tu en sais autant sur l'amour que sur l'histoire médiévale de la Pologne ! (elle chante) Il fourre, il fourre le malaaaade de l'amour !

- Arrête ça suffit maintenant, pose ce flingue ! Tu vas réveiller tout le quartier si tu tires !

- Tu vois le petit cylindre au bout du canon, c'est un silencieux, le genre de truc que t'aurais dû mettre au bout du tien ! Et tu aurais dû t'en visser un sur ta grande bouche aussi parce que toi tu tires pas souvent mais ça réveille largement au-delà du quartier tellement tu en parles !!

- Ce sont des conneries tout ça, des légendes de concierges ! T'es allé chez ta coiffeuse qui t'a encore raconté ses salades !

- Ah pas du tout, je suis allée chez ma manucure dont le balcon donne sur celui de ta nouvelle collègue, celle qui est mariée à un flic tu sais ? Un flic qui n'est jamais chez lui ! Celle qui vit au-dessus de ce café où tu dis passer des heures pour travailler au calme ! Et quand je suis passée à ce café pour leur montrer ta photo, personne n'a reconnu ta tronche de cake !!!

(il déglutit difficilement)

- Je peux t'expliquer... J'étais... En fait j'ai dû aller plusieurs fois chez elle parce qu'elle a des soucis avec son mari violent... Je suis juste allé parler avec elle, lui donner des conseils...

- Ah d'accord... T'es une sorte de consultant quoi...

- Voilà c'est ça. D'ailleurs je vais peut-être me mettre en auto-entrepreneur, y'a un filon à exploiter je crois.

- Un filon à exploiter ? Mais ça fait des mois que tu le creuses le filon ! Tu te tues à la tâche et t'adores ça ! Tu es le seul type qui est en burnes-out tous les jours et qui refuse qu'on l'arrête !!!

- Mais arrête d'être grossière Simone, je te dis que je n'ai fait que parler avec elle !

- Ah oui ? Et tu consultes souvent en peignoir ? Parce que tu étais en peignoir quand je t'ai vu sur le balcon ! C'est un autre filon que tu veux exploiter le consulting en peignoir ?? Tu lances le "Robe de chambre Consulting" ? Ah tu vas avoir du monde avec l'énorme marché des femmes éplorées qui ont des choses à raconter et qui ont une douche ou une baignoire !!! C'est toi qui me rends grossière ! Parce qu'embrasser du vulgaire trop longtemps ça déteint sur le comportement !

- Mais merde !!! Oui je suis amoureux !

- Ne parle pas de ce que tu ne connais pas mon pauvre garçon ! T'es amoureux parce qu'elle t'a ouvert la porte ? Mais dès qu'on t'ouvre la porte t'es amoureux !

- N'importe quoi !!! Et toi !!! T'es amoureuse dès qu'un admirateur t'écrit que tu es belle !

- Aaaaaaah non mon cher lapin crétin... moi je tombe amoureuse quand la qualité de ce que je donne trouve un écho rare dans la qualité de ce que je reçois... En fait, ça m'arrange assez que tu sois aussi bas du bulbe. Parce que jusqu'à maintenant, je m'empêchais de tomber amoureuse, je me retenais, pour toi. Mais là je vais lâcher prise avec un plaisir immense...

- C'est qui ce salopard ??

- Ce salopard ? Ah non... Rien de tout cela chez mon Raoul... Toi tu es le roi des salopards mais lui... lui c'est le charme élégant, la douceur offerte, la classe du verbe, l'immensité du sentiment... Tu vois lui quand il m'aime, ça me rend belle, je gagne dix ans quand avec toi je les perds, lui quand il m'aime, je pourrais voler tellement je me sens légère quand avec toi je pourrais prendre racine tellement tu m'enterres, lui quand il m'aime il n'y a aucune habitude aucun règlement, quand avec toi tout pourrait exploser pour quelques miettes ou pour une tâche de sauce tomate... tu sais Olivier l'amour c'est assez simple en fait...

- Non rien n'est simple !

- Ah si c'est simple l'amour... Il suffit de trouver quelqu'un qui a autant envie de te donner que toi. Pas quelqu'un qui le promet, non... quelqu'un qui te donne vraiment tout son coeur, tout son amour, avec une constance folle, une certitude faite du bois de la perpétuité, quelqu'un qui est bien avec toi, quelle que soit ta coupe de cheveux, la lourdeur de tes paupières, la nature de ton parcours ou de ton compte en banque.

- Mais moi j'aime bien la nature de ton compte en banque

- Alors maintenant, soit tu t'en vas dans les cinq minutes et tu vas retrouver ta pétasse qui doit être en train d'essayer de s'en sortir avec son mari - oui parce que je l'ai appelé pour lui expliquer la situation et il m'a fait sauter tous mes PV, chouette non ? Toi tu fais sauter sa femme et lui mes PV - soit je te tire une balle dans chaque genou, mon nouvel ami flic m'a dit que ce serait de la légitime défense...

- Mais... tu vas vivre avec ce Raoul ? Simone et Raoul, ça sonne bien ça ?

- Ah oui ça sonne bien... et je te jure que si je pouvais signer plusieurs vies, je le ferais sans hésiter.

- Je peux prendre mon peignoir ?

- Je t'en prie... Que serait un consultant sans son peignoir...


Franck Pelé - juin 2017 - textes déposés SACD