samedi 28 septembre 2013

Et l'île devint possible.




Toutes ces nuits à rêver à des jours meilleurs, tous ces jours passés à la fenêtre de son calvaire. Avant de devenir une femme libre, Simone a connu la terre dure, celle qui s’assèche sous le joug des coups portés au sourire plus que sous la chaleur solaire. Il lui semble que le soleil n’a jamais baigné l’endroit où elle a tant espéré avant de partir. Elle était déjà belle, mais on ne lui disait p...as, alors elle était comme un Mozart sans piano, comme une princesse sans miroir, elle n’avait aucune idée de sa splendeur, du génie de sa musique intérieure. La possibilité d’une île. Elle se souvient de cette phrase, comme une prière, comme un hymne à l’envie d’y croire, une certitude qu’au bout de la route, juste après ce dernier virage qui ressemble à tous ceux d’avant, son horizon s’habillerait d’un océan de douceur. Le genre d’étendue sereine qui vous fait oublier toutes les pierres supportées, qui vous donne le pouvoir de reconstruire avec du sable un château indestructible. Sous les pavés, sa plage. Cette île s’est présentée à elle alors qu’elle n’y croyait plus. Cette île qu’elle imaginait lointaine d’un point de vue géographique autant que métaphorique, il suffisait de croire en sa légende pour qu’elle puisse y respirer la sienne. L’île de beauté. La Corse.

Quand elle est arrivée à l’aéroport d’Orly, essoufflée et les yeux encore las d’avoir regardé sa vie en face, elle ne savait pas où aller. Le hasard lui a fait choisir la Corse, d’autres auraient dit son destin. Dès qu’elle est arrivée, elle a su. En respirant ce parfum unique, mélange de maquis aux mille senteurs et de terres fruitées, d’air marin et d’indépendance épicée, elle a immédiatement reconnu son île. De possible, elle devenait vivante, exactement comme la beauté d’une fleur qui n’aurait jamais eu la lumière qu’elle méritait. Elle n’a pas voulu prendre de taxi. Elle a posé sa petite valise dans une consigne à l’aéroport, et elle a marché, marché, elle a respiré, souri, elle a pleuré aussi comme toutes ces âmes qui ont trouvé leur route ici. Voilà le secret de cette fabuleuse et luxuriante végétation qui pousse sur cette terre où il ne pleut pas, les larmes apaisantes des âmes incrédules qui l’ont trouvée, terre de naissance ou de renaissance. Cette île vous aime parce que vous l’aimez, et l’alchimie opère jusque dans les organes vitaux.

Installée à une terrasse de Zicavo, un petit village du sud de l’île dans lequel Simone a pris ses quartiers depuis plusieurs semaines, le vent chaud caresse ses cheveux que plus personne ne lui tire en lui hurlant des mots qu’on devait entendre dans les champs de coton. Elle n’est plus esclave de rien ni de personne. Elle pense à cet homme rencontrée la veille. Elle ne veut pas se tromper, elle a presque peur d’y penser, mais elle sait qu’elle a senti la même chose que le jour de son arrivée en Corse. Cette certitude d’être au bon endroit, sur le bon chemin, dans la bonne lumière. Il s’appelle Raoul. Quand elle a vu la profondeur de son regard sur elle, elle a su son amour sans faille. Quand elle a vu ses mains, elle a su qu’elles iraient dans ses cheveux en même temps que les mots qu’on devrait entendre dans les lits de coton.




Franck Pelé – Septembre 2013 – textes déposés SACD - Tous droits réservés.

samedi 21 septembre 2013

L'arme à l'œil




- Pourquoi doutes-tu de moi ? Tu es l'homme que j'attends.

- Je ne sais pas... un pressentiment... Ton discours amoureux me semble déjà écrit pour d'autres, comme un discours politique qui attend plusieurs votes... Et les hommes politiques trouvent toujours la confiance dans le vote... Tu pourrais être de ces femmes qui ont besoin de cette confiance pour vivre, qui ont besoin de plaire au pluriel..., jusqu'à s'oublier entre toutes celles qu'elles proposent.

- Non. Je ne suis pas de ces femmes. Je suis entière, valeureuse, amoureuse, droite, honnête, confiante, vivante, exclusive, attentionnée, naturelle, transparente, sensible, loyale, juste.

- Tu ornes pourtant tes lunettes d'un caractère assez agressif. Me laisserais-tu voir la vérité de ton regard ? Combien ont su te désarmer ?

- Beaucoup ont conduit à armer ce regard, de patience surtout. C'est ta seule existence qui m'a appris que j'avais assez attendu. Mais tu n'as pas confiance en moi.

- Non. Parce que tu ne me connais pas, tu ne sais rien de moi, j'aurais pu être n'importe qui, tu aurais décidé que j'étais celui-là. Pourquoi... Pour un mot ? Une pensée ? Un parfum ? Une conviction ?

- Oui. Une intime conviction. Tu sais ce qu'on appelle l'intime conviction ? C'est quand une âme complice partie un peu plus tôt sur le même chemin que toi vient te souffler que tu es dans la bonne direction.

- Comme une lumière divine quoi...

- Tu penses que je suis une illuminée n'est-ce pas ? Une folle ? Une croqueuse d'hommes et de diamants ? Une irresponsable qui boit l'égoïsme au biberon ? 

- Quand on offre son cœur à un inconnu, même avec une intime et divine conviction, tu peux comprendre que l'inconnu en question hésite à se faire connaître.

- Et si c'était moi ? Tu prends le risque de passer à côté de moi parce que tu ne me sens pas ? Le pari est énorme non ? C'est d'ailleurs assez proche d'une intime conviction ce qui te parle à l'intérieur...

- Alors une des deux âmes complices ment.

- Une âme ne ment jamais. Seule la conscience qui l'anime peut la salir. Peut-être avons-nous raison tous les deux. Toi de ne pas vouloir me croire aujourd'hui, moi de savoir que tu es mon autre.

- Une histoire qui commence par épuiser les doutes, les craintes, les méfiances, les artifices, ne peut que durer éternellement s'il ne reste que les sourires et la douceur, la confiance et les couleurs.

- Mon vrai prénom est Simone.

- Le mien est Raoul.

- Tiens donc... Vous vous protégez aussi finalement...

- Une balle perdue est vite arrivée...

- Vous me désarmez Raoul. Et vous êtes le seul.






 Franck Pelé - Septembre 2013 - Textes déposés

The King for the Queen



"Mon cher et divin roi, je n'aurai probablement aucune chance de m'extraire des milliers de lettres de la semaine sous lesquelles vous croulerez mais si ce devait être le cas, je veux vous dire toute mon admiration, ma sensibilité optimale et jouissive à votre charisme et votre voix si pleine d'amour et de caresses, ma capitulation devant votre regard et cette moue à donner envie de faire la moue ...toute la nuit, mon exaltation à vous écouter chanter, à vous regarder bouger, vivre, à en faire trop aussi, à faire votre numéro de crooner à deux balles alors que vous l'êtes parfaitement naturellement, à jouer l'homme à midinettes qui sait gérer la distance entre le désir qu'il suscite et ses envies profondes, ne souriez pas vous savez que j'ai raison, je sais vous lire, Elvis Aaron Presley, je ne vous ai jamais vu ni parlé mais je vous connais par cœur, j'en suis sûre, chacun de vos gestes me parle, accompagné de cette petite voix intérieure vous savez, celle de votre âme qui vous confirme l'évidence. Je m'appelle Simone, je vous embrasse, et si vous devez m'aimer un jour, aimez-moi tendrement, aimez-moi vraiment...

Simone



- Annulez mon concert de ce soir, je dois retourner à Paris.

- Mais Elvis...

- On annule ! On reviendra... Je veux rencontrer cette femme. Je DOIS rencontrer cette femme.

- Tu sais qu'il nous faudra vite un nouveau titre à succès pour compenser cette annulation, sinon ton image pourrait en pâtir !

- J'ai un nouveau titre. "Love me tender"... (Il chante) "Love me tender, love me true..."

- ça va marcher ça ?

- Je viens de lire les mots de la femme qui m'a inspiré cette chanson... ça va toucher les gens sur plusieurs générations... simplement parce que cette femme existe... Elle va donner un corps inoubliable à cette chanson, elle va l'habiller d'amour... Parce qu'elle sait aimer idéalement quand elle reconnaît la pureté du frisson... Elle vient de me l'écrire... On retourne à Paris, je n'écrirai "Love me tender" qu'après avoir vu les yeux de cette femme. Simone...

-Tu as l'air tout... bouleversé...

- Tu serais comment juste après avoir lu les mots de l'auteur de ta sensibilité toi ? Une femme a écrit la mienne. Et elle avait la plume de cette femme. Je ne veux rien d'autre que la rencontrer. Voir l'existence du rare, du sublime, de l'exceptionnel dans ses yeux.

- Je t'enregistre sous quel nom à l'hôtel à Paris.

- Je ne sais pas... Un prénom français, bien français, un peu original... qui fera peut-être un peu beauf dans quelques années sauf s'il est porté avec une classe, une élégance et une ironie délicieuses... Raoul ? Oui c'est bien Raoul...



Franck Pelé - En voiture Simone - Textes déposés SACD - Août 2013

Au diable les varices !





- Oui Simone, c’est Priscilla, on va au resto ce soir, ça te dit ?

- Chacun paie sa part ?

- On divisera le total par le nombre de participants, comme d'hab....

- Et tous ceux qui auront moins mangé et moins bu se feront enfler, comme d'hab...

- Put... mais qu'est-ce que t'es pingre...

- Pingre ? Je ne suis pas pingre, je ne suis juste pas blindée comme tous ces bobos à la noix qui ne savent même pas la valeur de ce qu'ils dépensent ! Toi par contre, claquer 60 euros pour une bouffe que tu vas catapulter trois heures plus tard sur la moquette grâce à la vodka offerte par ton grand ami aux cheveux cons, celui qui préside aussi bien le bout de table que l'association des "j'me la raconte" de France, ça ne te dérange pas ! Comme laisser 5 euros dans le pot commun pour mon anniversaire ne te dérange en rien ! Moi je suis pingre ? Ton fric ne te protège pas de ton avarice !

- Je vois pas le rapport avec les varices, j'ai une très belle peau, et je suis bien trop en forme pour avoir des varices... Excuse-moi mais je te rappelle qu'on n'a pas le même âge Simone... Déjà, ça se voit au prénom…

- L’Avarice, tête de gondole ! Les varices c’est quand t’as les veines qui pètent, l’avarice c’est la veine de la générosité qui saigne ! Et à mon avis, si on regardait dans ton crâne, on verrait une cartographie plus riche que le réseau ferré francilien autour de ton intelligence ! Mais qu’est-ce que tu peux être conne Priscilla ! Aussi conne que ton prénom ! Tu te rends compte que personne ne s’appelle Priscilla ? A part la copine de Caliméro dont le crâne d’œuf a dû séduire ta mère, personne ! Alors je t’explique, c'est justement quand t'as de l'argent qu'on peut voir la nature de ta générosité. Et toi, pas besoin de voir une expo sur ton œuvre pour comprendre le message, dans le moindre de tes comportements on voit le tableau ! Moi je suis pingre ? Mais t'es une artiste-pingre ! T'es même la plus grosse pingre du quartier ! T'es pingre en bâtiment Priscilla !




Franck Pelé – En voiture Simone – Textes déposés – Août 2013

Splash



- Allez, bats des pieds avec moi, on s'en va...

- Comment ça on s'en va ? On va où ?

- Je ne sais pas, loin, au large, vers l'horizon, une île, une autre côte......

- Mais je suis marié moi, je ne peux pas quitter la plage comme ça !

- Et ta femme, tu peux la quitter comme ça ?

- Non plus, non !

- Qu'est-ce que tu fous là alors ?

- Mais rien, je suis venu parler un peu avec toi et m'accrocher à ton matelas parce que j'étais fatigué.

- Tu te fous de moi ? Je le connais par cœur le coup du matelas, c'est moi qui l'ai inventé !

- Mais je te jure que ça n'a rien à voir avec le matelas !

- Tu me jures ? Mais t'es encore plus gonflé que lui mon pauvre ! C'est même étonnant de ne pas flotter quand on est gonflé à ce point !

- Mais pourquoi tu dis ça ?

- Je ne sais pas, je me fais des idées sûrement, tu m’as quand même demandé où j’habitais, si j’étais seule, ce que je pensais des parenthèses épicuriennes, tu m’as dit que tu t’ennuyais, que tu rêvais d’ailleurs, que tu pourrais partir loin avec moi, là, tout de suite, le tout en regardant mes seins tous les trois mots, je comprends que t’aies eu besoin de t’accrocher, tu dois être fatigué comme garçon !

- Bon, excuse-moi, on peut faire demi-tour maintenant ? Parce qu’on commence à être loin là…

- Et alors ? C’est pas ce que tu voulais ? Ah ça pour se la raconter grand voyageur y’a du monde hein, mais dès qu’il faut mettre un peu de poids dans le maillot de bain, y’a plus personne !

- On parle de quoi là ?

- De ton courage Robinson !

- Je ne m’appelle pas Robinson, je m’appelle Pierre.

- Oui bah dans deux jours tu t’appelleras Robinson si je ne fais pas demi-tour ! Alors maintenant tu vas arrêter de penser avec ta petite hélice, tu vas la remettre à l’eau et tu vas rentrer doucement sans faire de vagues retrouver ta petite famille, vu comme tu étais remonté en arrivant, j’imagine qu’il te reste assez d’énergie pour rentrer les mains derrière la tête !

- Et pourquoi on ne ferait pas un peu d’écume ensemble, là, maintenant ?

- Dis donc l’Apollon des mers du sud, tu t’es probablement déjà fait souffler dans les voiles par des sirènes qui t’ont vu arriver avec tes gros nabots ?

- On parle de quoi là ?

- De ton courage toujours.

- Heu… oui, c’est arrivé oui…

- Mais tu ne t’es jamais pris de râteau à moteur…

- De râteau à moteur ?

- Oui

- Ah non, ça ne me dit rien non.

- Bon, alors tu vas lâcher mon matelas, tu vas rentrer pendant que tu vois encore quelque chose à l’endroit de ta plage sinon je rentre avec toi et je dis à TOUT LE MONDE dans un rayon de dix kilomètres que tu as voulu coucher avec moi dans l’eau, que tu m’as caressé les seins en me racontant ton mariage mais que tu étais tellement diminué par le froid que tu t’es fait bouffer l’hélice par une raie qui pensait que c’était du plancton !

- Mais…

- Y’a pas de mais ! Dégage ! Vite ! Nage ! Mets en route ! Ventile ! Mousse !

Il décroche du matelas pendant que Simone continue de battre des pieds, s’éloignant déjà doucement.

- Mais reviens, je vais me noyer !

- Arrête de parler, nage ! Avec le râteau que tu viens de prendre, tu vas rentrer tout seul ! C’est l’avantage du râteau à moteur ! Et dépêche-toi sinon je rentre avec toi et je vais raconter à Raoul ta petite proposition.

- C’est qui Raoul ?

- Mon mari ! Et s’il apprend la moitié de ton petit numéro, il va te mettre la raie sur le côté et balancer le plancton aux oursins !



Franck Pelé - Juillet 2013 - Textes déposés à la SACD

Après le monde




- Simone, t'as entendu ?

- Quoi ?

- La fin du monde est pour novembre !...

- Novembre… de cette année ?

- Oui

- Oh non ! Non ! Ils auraient pu faire ça plus tard, mince ! Je voulais fêter Noël aux Antilles cette année et te faire la surprise !

- J’aurais adoré… Mais là, je ne peux pas te répondre qu'on fera ça une prochaine fois...

- Mais c'est sûr ?

- Ils l'ont dit sur BFM TV.

- Et sur iTélé ?

- Pareil. J'ai vérifié. Y'a que France Dimanche qui annonce ça en janvier.

- Et comment on va faire pour payer le reste de la maison ? Elle ne sera jamais à nous ! Putain mais c'est pas vrai, on s'emmerde à se taper des crédits et ils nous mettent la fin du monde en plein milieu, quelle bande de cons !

- Simone, tu es un peu vulgaire là...

- Je suis vulgaire ? Tu te fous de moi Raoul ? On arrête tout dans cinq mois, plus de son, plus d’image et je suis vulgaire ? J’aurai à peine fini mon régime et personne ne pourra en être témoin ! J’ai arrêté de fumer depuis dix ans pour vivre plus longtemps, et ça sert à quoi ? Hein ? Ça sert à quoi de faire des efforts pour vivre plus longtemps que tous ces cons qui s’en foutent si c’est pour claquer en même temps qu’eux ???

- Tu les faisais pour toi les efforts...

- J’aurais pu fumer, manger de la viande, des hamburgers, des trucs en sauce, fumer des pétards, m’en mettre plein le nez, me faire des tatouages, des piercings, avoir les cheveux de toutes les couleurs, conduire vite, boire du champagne tous les soirs, danser toutes les nuits, dormir un jour sur deux, arrêter mes études pour profiter de ma jeunesse, profiter de la vie quoi !!! Au lieu de ça, je me suis emmerdée à faire attention, à ce que je mange, à mon sommeil, à ma peau, à mes cheveux, à mes fringues, à mon comportement, à ma carrière, à mon image, à ma culture, et tout ça pour quoi ? Pour exploser en même temps que tous les paresseux de l’élégance ? Pour que la poussière de mon être se mélange à celle de ces gras du genou ? De ces anorexiques de l’esprit ??? Merci la fin du monde ! Merci le gouvernement !

- On ne peut rien y faire Simone, c’est comme ça, tout a une fin…

- Et toi, ça te fait rien ?

- Bah si, j’avais envie de me mettre au piano à la retraite et de découvrir la Patagonie. Et puis toutes ces Coupes du Monde qu’on va rater… Remarque, on ne les aurait peut-être pas jouées, vu le niveau depuis que Zizou est parti…

- Zizou va mourir en novembre... Tu te rends compte ? Bradley Cooper, Ryan Gosling, Vincent Cassel, Romain Duris, Laurent Delahousse, pffuiiiit ! Plus personne ! Mais c’est un drame !

- Pense à Justin Bieber, Paris Hilton, le mec de Gangnam style… ça passera mieux…

- Et mes parents ? Mes parents ! Je ne vais plus voir mes parents…

- Et moi ma mère.

- Ah oui, on ne va plus voir ta mère tiens…

- Ca veut dire quoi ça ?

- Rien, c’est triste.

- Tu es sûre que c’est triste ? Non parce que t’avais l’air d’avoir un ton moins angoissé d’un seul coup, presque serein…

- Arrête Raoul, tu sais très bien que je ne passerais pas mes vacances avec ta mère…

- Oui d’accord mais de là à souhaiter sa mort, y’a quand même une nuance.

- Je ne souhaite pas sa mort, je n’ai juste pas été traumatisée à l’idée que le monde disparaisse avec elle, excuse-moi d’être franche ! Je ne l’ai jamais supportée, voilà !

- Ah c’est le moment du solde de tout compte, là ? Bon, alors puisque c’est « franchise time », je trouve que ton père se la raconte comme personne ! Alain Delon à côté c’est l’Abbé Pierre !

- Si mon père se la raconte, ta mère c’est l’auteur !

- Ma mère elle ne sait pas tout sur tout et elle ne siffle pas une demi-bouteille de whisky par jour !

- Ah non, ta mère elle ne sait rien sur rien mais elle est persuadée qu’elle sait tout ! Et elle est pie ascendant serpent alors niveau sifflage ça joue tête de série !

- On dit sifflement Madame-je-sais-tout !

- Attends je regarde dans le dictionnaire… « Sifflage : Râle laryngo-trachéal des chevaux et des ânes malades. » Voilà, j’avais raison, pour ta mère, on dit sifflage.

- Et tu ne veux pas regarder à « prétentieux imbuvable jamais content » ? Ils ont dû choisir la photo de ton père, bien plus parlante que n’importe quel texte !

Soudain, un grondement énorme fait vibrer toute la maison. Simone saute dans les bras de Raoul :

- C’était quoi ça ?

- Je ne sais pas…

- Ils ont bien dit novembre ou c’est ta mère qui t’a dit ça ? Elle l’a peut-être inventé pour que je te quitte…

- Tu ne veux pas appeler ton père pour repousser l’échéance d’un petit siècle ? S’il y en a un qui peut sauver le monde, c’est bien lui… Tu lui as repassé sa petite cape rouge ?

- Tu sais bien que je ne suis qu’une femme moderne qui ne sait même pas repasser…

- Arrête, elle ne le pense pas, tu le sais très bien…

- Non, je ne le sais pas très bien non… Je crois même plutôt qu’elle le pense jusqu’au plus profond de ses napperons à dentelle.

- Tu me quitterais si c’était la fin du monde ?

- Raoul, si la fin du monde est en novembre, je t’aimerai encore en décembre.

- Ma chérie… Notre amour sera l’étoile la plus visible des mondes d’après…



Franck Pelé - juin 2013 - textes déposés SACD