Simone,
Quand vous lirez ces mots,
vous aurez trouvé mes fleurs, posées sur les pages de votre livre comme
on dépose un amour entre les lignes d'une vie qui ne pourra s'écrire
sans vous. Je ne peux me résoudre à ignorer votre existence et c'est
pourtant la seule façon de reprendre le cours normal de la mienne. Je
sais votre amour pour votre mari, je connais votre sens des valeurs et
de la morale, il vous honore, vous qui étiez déjà si belle... Et je me
sens coupable de vous en détourner. Vous savez vous aussi à quel point
ma femme est chérie, comment pourrais-je lui expliquer sans honte de
l'avoir trahie que la flamme qui nous a rapprochés vous et moi était
aussi inévitable que celle qui nous a fait nous épouser, elle et moi.
Alors que faire... Vivre sa liberté avec plaisir et culpabilité, ou
respecter une ligne de conduite, une flamme choisie ? Cette flamme,
toujours aussi chaleureuse et élégante dans sa danse quotidienne, mais
qui, en déclinant lentement, allonge davantage les ombres que les
désirs. Où que je me place par rapport à la flamme de ma vie, c'est
votre ombre qui se dessine. Mais si vous deveniez ma flamme, au moment
où nos certitudes commenceraient à fondre et la lumière à vaciller
doucement, quelle ombre verrais-je danser ? Et vous ? Quelle idéale
projection vous donnerait envie de souffler sur ma mèche pour décoiffer
votre routine ? Simone, je vous quitte parce que vous m'aimez, sans même
avoir osé me l'avouer, vous avez su me le dire avec vos yeux, vos
mains, vos gestes retenus, vos mots empêchés. Je ne serai pas dans cette
chambre avec vous ce soir, ni demain matin, ni aucun autre jour. Je ne
vous ferai pas l'amour comme j'en rêvais depuis toujours, je ne goûterai
pas votre corps sublime, n'arrondirai pas vos courbes de ma douceur, ni
ne me permettrai l'extase d'entendre la vôtre. Ne doutez jamais de
l'excellence de mes sentiments à votre égard, de ma lucidité au moment
de vous reconnaître, croisant ma route comme des chutes se
présenteraient à un long fleuve tranquille. Oui, c'est exactement cela,
j'étais un long fleuve, paisible, coulant des jours heureux et des nuits
étrangement calmes, sans jamais me demander si j'avais besoin de bruit
et de fureur, de l'ivresse du déséquilibre et de la sensationnelle folie
de l'écume. Et puis je vous ai vue, au bout de mon chemin. Vous ne
m'avez rien demandé, vous ne m'avez pas obligé à couler dans le secret
de votre vallée, j'aurais pu rester là-haut, près de mon lit, résister
au courant que je sentais plus fort, m'attirant un peu plus loin chaque
jour, mais vous me proposiez l'amour en cascade, et votre force
d'attraction était irrésistible. Je vous aime Simone, nos histoires
d'eaux ne s'assècheront jamais. Mais je dois retrouver mon lit, parce
que s'il n'y a plus de lit, il n'y aura plus de cascade.
--------------------------------------------------------------------------------------------
Réponse de Simone :
Mon amour,
Je ne pensais pas pouvoir écrire ces mots à un autre que l'homme que
j'ai choisi pour la vie. Mais votre bienveillance à l'instant, la
précision de votre ressenti, qui se conjugue tellement à tous les temps
du mien, m'oblige à exprimer l'indicible. Je vous aime, parce vous étiez
là, je vous aime parce que vous partez, je vous aime parce que vous ne
m'interdisez pas de croire que vous reviendrez. Je vous déteste parce
que vous n'êtes pas là, parce que je ne pourrai pas vous donner ce que
je ne sais plus donner depuis que le temps passe, je vous aime parce que
je sais ce que j'étais prête à vous offrir, avec tellement de passion
et d'envie que plus rien n'aurait eu de goût après vous. Vous m'avez
empêchée de trahir, l'homme de ma vie, et moi-même, vous me donnez la
possibilité de marcher la tête haute, assez haute pour ne jamais perdre
de vue votre souvenir. Je veux que vous restiez près de moi, jamais
loin, j'ai besoin de vous sentir, de savoir que vous êtes là. Plus
l'amour est fleuve, plus dure est la chute. Je saurai remonter jusqu'à
votre lit, attendez-moi, gardez un œil sur les rives. Je dois vous
paraître immorale, menteuse ou légère, vous savez pourtant à quel point
je ne le suis pas. Je n'ai jamais trompé mon mari, et quand je lui dis
que je l'aime, il n'existe pas de vérité plus profonde. J'ai pourtant
toujours été convaincue que l'amour pouvait être pluriel, il n'y a
aucune raison de pouvoir ressentir un élan magique pour une âme et de
croire que cet élan naturel puisse se désintégrer à partir du moment où
l'âme est épousée. Mais puisque nous sommes bien élevés, respectueux, et
que notre morale est sauve, nous savons ne prêter la moindre attention à
ces élans, en se forçant pour certains, naturellement pour d'autres,
sous peine de se projeter au-delà de la limite. Merci d'avoir fait de
moi l'objet de votre amour, je ne me souviens pas m'être sentie aussi
belle. Au lieu de vous regarder sourire et m'aimer, je vais finir mon
livre, allongée sur ce lit qui devait être nôtre, je serai forcément
marquée par cette histoire, elle sentira vos fleurs, et votre absence.
Il est bientôt minuit et vous me manquez follement.
P.S. : Je
n'ai lu que trois pages depuis tout à l'heure, deux heures ont passé
depuis l'écriture de ma réponse et vous êtes partout. Qui est assez fort
pour ignorer l'éclat d'une telle étoile dans son ciel ? Comment vais-je
faire sans vous, loin de vous ? Vous êtes sur ma route, il ne fallait
pas la croiser, vous ne pouvez plus la quitter. Je ne vous aimerai pas.
C'est mon mari que j'aime. Et vous aimez votre femme. Nous respectons
cela tous les deux. Mais je veux vous vivre. Jusqu'à la limite du
possible. Je réfléchis... et je me dis... si vous m'avez écrit votre
amour, vous avez déjà dépassé votre limite non ? Pardon...
Pardonnez-moi. Je n'ai pas le droit. Et puis... comment réagirais-je si
mon homme écrivait une telle chose à une autre...
P.S II : Il
est trois heures du matin, et j'ai trouvé la réponse à la question qui
fermait mon premier post-scriptum : Comment je réagirais si mon mari
écrivait une telle chose à une autre ? Mais je serais débarrassée de
toute honte ! Je serais ravie ! Auriez-vous une amie, une sœur ou une
tante célibataire ? Un peu maniaque sur le ménage de préférence ? Je
vous donne l'adresse du bureau de mon mari, il faut absolument qu'il
croise la route d'une femme amoureuse de lui ! Et puis ça lui ferait du
bien d'apprendre de nouvelles choses... Finalement, j'en profiterais moi
aussi. Ah les hommes, s'ils savaient de quoi on est capables pour les
rendre heureux... Je vais me décarcasser pour lui trouver une rallumeuse
de flamme et il trouvera encore le moyen de m'engueuler parce que j'ai
rangé ses journaux en lui perdant sa page ! Dire qu'il va l'embrasser...
Peut-être même lui faire l'amour mieux qu'il ne le fait avec moi... Le
salaud ! Là par contre, je n'ai plus aucune gêne ! Me faire une chose
pareille, à moi ? Revenez vite mon amour, je sais désormais mon mari
capable de tout, je suis blessée dans ma chair et vous seul pouvez me
soigner à cet endroit...
Franck Pelé - Janvier 2012 Tous les textes sont originaux, écrits par Franck Pelé et déposés à la SACD.
Alors que Raoul n'avait plus qu'à tirer sur la
bretelle pour déclencher un bouleversement fabuleux de tout son être, il
prit un peu de recul pour savourer l'éternité de ce moment.
- Qu'est-ce que tu fais mon amour ?
- Je te regarde...
- Décris-moi ce que tu vois...
- Je vois l'automne d'une lingerie qui, en tombant définitivement, me
fera découvrir un nouveau monde. Je vois les premiers frissons sur la
naissance de ton sein, ceux qui annoncent le printemps fleuri que tout
ton corps réclame.
- Tu crois qu'on aura un joli printemps ?
- Il va durer, durer, comme une saison préliminaire idéale avant un été caniculaire au creux de ta vallée...
- Ce serait bien que l'automne fasse définitivement tomber la feuille
qui te sépare de ton eldorado avant que l'hiver ne doive geler les plus
prometteuses intentions...
- Simone, le jour où l'explorateur a
trouvé son nouveau monde, même s'il a été heureux d'avoir pu y vivre,
heureux d'y avoir construit son bonheur, la plus belle image qui lui
restera au crépuscule de sa vie sera celle de l'instant où il l'a
découvert.
- C'est très joli mon amour... Et dans l'acte de
tirer la bretelle pour découvrir un endroit magique, là, tout de suite,
tu penses pouvoir trouver une philosophie plaisante ?
- Tirer
sur une bretelle c'est comme tirer sur une ficelle pour ouvrir des
rideaux sur une vue splendide, c'est comme tirer sur un cordon pour
inaugurer un magnifique édifice, c'est faire sonner les cloches,
déclencher un feu d'artifices, c'est allumer la lumière, c'est ouvrir un
cadeau !
- Raoul, j'adore ta poésie, mais si tu ne veux pas
que je devienne une île déserte sans aucun permis de construire
possible, y compris pour les autochtones, je te conseille de tirer sur
la ficelle immédiatement et de m'inaugurer comme il se doit !
Franck Pelé - Janvier 2012
- Alors ? C'était quoi cette fameuse blague qui vous faisait pleurer de rire tout à l'heure, dans la cuisine ?
- C'est rien, une histoire de Pierre, rien de bien méchant...
- Raoul... Tu m'as promis que tu me raconterais ce soir... Vous étiez
tous les deux à vous tenir les côtes, j'ai envie de savoir !
- Ce que vous pouvez être curieuses vous les femmes...
- Allez, raconte !
- C'est une histoire un peu macho, tu ne vas pas aimer.
- Raoul, tu me prends pour une féministe ? Raconte...
- Bon... Tu sais quelle est la différence entre une piscine et une femme ?
- Euh... Je ne vois pas non...
- Pour le temps qu'on passe dedans, c'est beaucoup trop cher !
Raoul va pour éclater de rire mais devant l'air consterné affiché par
sa femme, il baisse immédiatement les sourcils et fait profil bas.
Simone enchaîne, d'un ton grave et monocorde :
- Mais c'est hilarant dis-moi...
- Tu vois ? Je te l'avais dit que tu n'aimerais pas ! Et puis c'est pas de moi, c'est de Pierre !
- Oui mais ça t'a fait rire aux larmes quand même ! T'es qu'un gros
macho de comptoir Raoul ! Allez, va te chercher une bière et rejoins ton
ami pour parler du poster du mois dans Playboy ! Beaucoup trop cher...
non mais je rêve... Forcément, pour des radins, tout est cher ! Vous
êtes bien contents de nous afficher comme des signes extérieurs de
richesse et de réussite sentimentale dans vos soirées à la noix ! De
montrer que votre femme est aussi racée que votre voiture ! Si vous
voulez qu'on brille, il faut vous en donner les moyens !
Avant
que Raoul puisse ouvrir la bouche, Simone détend complètement les traits
de son visage et se met à rire à gorge déployée :
- Ah si tu
voyais ta tête mon chéri ! Mais je plaisante ! Elle est très drôle ton
histoire, vraiment. Bon, le "dedans" fleure bon la femme-objet mais
j'imagine que c'est notre époque qui veut ça, dans quelques années, on
ne comparera plus les femmes à des piscines... Si ?
- C'est
quand même une histoire de Pierre. J'ai trouvé ça drôle mais je ne suis
pas macho pour autant. Bon, peut-être un petit peu... mais beaucoup
moins que lui !
- Tu sais, Pierre, peut-être qu'il ne va pas souvent dans sa piscine parce qu'il ne sait pas bien nager...
- Oui, enfin faut voir la tronche de sa piscine aussi...
- On a la piscine qu'on mérite. Et toi ? Tu la mérites ta piscine ?
Raoul ne sait pas quoi répondre. Simone s'avance doucement vers lui, sa
bouche vers la sienne, sourit et lui dit en chuchotant :
- Je
plaisante mon amour, je sais que tu n'es pas macho, et je me fous qu'on
me compare à une piscine trop chère. Et puis dans la mienne, on est très
bien dedans. Personne ne s'est jamais plaint. D'ailleurs, si tu as
envie de venir nager un peu, je crois que l'eau est à température
idéale...
- Ah oui ?
- Je vais te dire une chose mon
nageur préféré, moi je te dis que pour le temps que tu passes dans
l'eau, sachant que tu ne t'occupes ni de l'entretien, ni de la
température de l'eau, tu as fait une sacrée affaire...
- Quand tu dis que personne ne s'est jamais plaint... Combien de personnes sont déjà venues nager dans ta piscine ?
- Depuis quinze ans qu'elle est ouverte, pfff... Je ne sais pas... Tu
sais, c'est pour tout le monde pareil, avant de se privatiser, il faut
avoir connu le succès, mais le plus important c'est que ce soit pour toi
que je sois devenue privée, tu ne crois pas ?
- Combien Simone ?
- Ce que vous pouvez être curieux vous les hommes...
Franck Pelé - Janvier 2012
- Pourquoi tu ouvres ton parapluie Raoul ?
- Ce n'est pas un parapluie.
- Ah bon ?
- C'est un abri antiatomique. Sauf qu'ici, la bombe atomique, elle est à
l'intérieur. C'est pour protéger les autres de ta beauté fusionnelle.
- Oh mon Raoul... Une bombe atomique... (tendre sourire, silence, puis
réflexion) C'est drôle cette expression... Je veux dire, ça me touche !
Mais c'est étrange... Ça aussi, ça vient du futur ?
- Oui. On dit d'une femme magnifique que c'est une bombe atomique.
- Comme la bombe qui peut tuer un monde entier quoi...
- Voilà.
- Très poétique...
- Et tu ne sais encore rien.
- C'est fou que tu aies réussi à voyager dans le futur... Si je te pose des questions, tu as le droit de répondre ?
- Oui, oui, je n'ai rien signé qui m'en empêche. Regarde, tu as vu mes chaussures ?
- Qu'est-ce que c'est que ce style ?
- C'est très à la mode dans quarante ans. Allez, pose-moi tes questions...
- Bon... Comment dit-on "écouteur" dans le futur ?
- Haut-parleur. Les téléphones seront équipés de haut-parleurs, tu
appuieras sur un bouton et tu entendras l'autre comme à la radio.
- Fantastique ! Mais alors l'écouteur qu'on accroche derrière le téléphone, il ne sert plus à rien ?
- Il n'y aura plus d'écouteur.
- Oh !! Oh c'est dommage... Moi j'aimais bien l'écouteur... Et puis au
moins, on pouvait être la seule personne à entendre la conversation et
tout le monde vous enviait pour l'avoir quand c'était important ou
secret... Et comment dit-on... Une Deux-Chevaux ?
- Une Twingo
- Comment dit-on "Coluche" ?
- Jamel
- Et Drucker ?
- Ah ça, ça n'a pas changé.
- Comment dit-on "j'aimerais beaucoup vous connaître, vous me plaisez" ?
- Poke
- Poke ?
- Oui, Poke.
- Et "Voulez-vous coucher avec moi ce soir ?"
- Poke
- Ah aussi ? Bah ils s'emmerdent pas dans le futur... Mais... comment
font-ils pour faire la différence entre les deux significations ?
- Ils ne la font pas. Dans quarante ans, ça voudra dire exactement la
même chose. Ceci dit, aujourd'hui aussi, mais on prend plus de temps,
nous sommes un peu plus timides, le respect d'une certaine éducation, et
puis le mystère de l'autre est encore très épais...
- Vraiment étrange cette époque... Et tiens, plus dur... Comment dit-on "débroussailler" !
- Une épilation maillot.
- Pardon ?
- Je plaisante. On dit toujours débroussailler. Mais dans le futur, il y a beaucoup moins de végétation.
Raoul réprime un sourire.
- Tu joues sur quelque chose que je ne comprends pas là... Je te
connais Raoul... C'est quoi "débroussailler" , dans le futur ? Pourquoi
tu me parles d'épilation ? Et puis pourquoi "maillot" ? On épile les
maillots dans le futur ? Les maillots de corps ? Les maillots de bain ?
On se baigne en fourrure ?
- Ah certaines se baignaient en
fourrure oui ! Hum... Non, en fait, c'est une expression qui touche à la
sémantique de la psychologie. En fait, les femmes qui auront envie de
montrer leur faille, en psycho, on dira qu'elles débroussaillent.
- Tu me jures ?
- Promis.
- Bah dis donc, avec tout ce que je cultive pour cacher mes failles moi, faudrait que j'aille voir ce genre de psy...
- Ah ça te ferait du bien oui ! (Raoul se pince pour ne pas rire, puis
reprend, sérieux) Mais tu sais, parfois, il vaut mieux garder ses
failles secrètes. Et puis on ne sait pas ce qu'on pourrait trouver, ça
pourrait tuer le charme...
- Qu'est-ce que tu veux dire ? Tu
n'as pas confiance en mes failles ? Mais si je parlais de mes failles,
elles seraient charmantes mes failles ! Tu n'as pas envie de les
connaître toi ? Finalement, connaître les failles de quelqu'un, c'est
connaître son intimité profonde, c'est une complicité incroyable !
- Je les connais tes failles mon amour...
- Je t'en ai déjà parlé ?
- Oui, beaucoup. Et à chaque fois, j'ai adoré les ouvrir avec toi, pour
bien te connaître, chaque fois un peu plus, t'entendre crier toute
l’électricité que tu as en toi, et j'ai adoré les refermer en douceur
avec toi, et te regarder apaisée, et heureuse, après t'avoir longuement
écoutée...
- C'est fou... Raoul, je crois que je perds la
mémoire. Je ne me souviens absolument pas t'avoir raconté mes failles...
C'était pas dans le futur au moins ?
- Ah non, non, tu m'en as
parlé très souvent. Un peu moins dernièrement, c'est vrai. Je me
demande si tu ne te confies pas à un autre, tiens...
Simone hausse les épaules :
- N'importe quoi. On ne se confie pas à n'importe qui.
- Dans le futur, si.
- Je ne veux pas y aller dans le futur, je veux garder du mystère moi, remets ton parapluie.
Raoul remet alors son parapluie en place, Simone s'approche de Raoul en
le regardant dans les yeux, un sourire lumineux accroché au visage, et
l'embrasse à pleine bouche, dans un élan de douceur et de sensualité
rarement atteint. Puis, elle s'arrête, commence un léger un mouvement de
recul, sourit à la vue de l'homme de sa vie, et lance avant de repartir
pour un baiser inoubliable :
- Pour vivre heureux, vivons cachés...
Franck Pelé - Janvier 2012
- Raoul...Combien tu m'aimes sur une échelle de 1 à 100 ?
- Ah non ! Je le connais par cœur ce piège !
- Un piège ? Pourquoi un piège ? Je veux juste savoir, c'est tout.
- Bien sûr... Tu ne vas pas me la faire à moi Simone non ? Si je te dis
100, tu vas me répondre que je te dis ça pour te faire plaisir, et si
je te dis 91, tu vas me faire la tronche quinze jours parce que c'est
pas assez ! Alors que c'est énorme 91...
- Et bien... Au bout de sept ans mariage, ça fait plaisir de voir à quel point tu te trompes sur moi...
- Tu es sûre ? On joue franc-jeu ?
- Mais oui !
- Et si je te dis 91, et que tu me fais la tête, tu seras capable de
prendre le recul nécessaire et de réfléchir avec cette trop rare
objectivité pour comprendre que tu n'auras pas eu 100 justement parce
que tu auras eu cette réaction tellement prévisible ?
- Je te dis oui ! Tu es sûr que tu veux mettre cette cravate pour le réveillon ?
- Oui, pourquoi ? Elle est très bien cette cravate. Qu'est-ce qu'elle a cette cravate ?
- Elle fait un peu vieux... Bon alors, combien ?
Raoul pose sa cravate, s'installe dans le fauteuil en face de Simone, réfléchit, sourit et répond :
- 89.
Simone bouge un sourcil mais le remet aussitôt en place pour tenter de
conserver la maîtrise totale de sa réaction. Puis elle demande, d'une
voix très douce :
- Et pourquoi 89 ?
- Je voulais te
mettre 91 mais j'avais oublié à quel point tu étais exigeante avec MES
choix vestimentaires, du coup, t'as perdu deux points. Mais bon, aimer
une femme à 89 sur une échelle de 1 à 100, c'est quand même beau non ?
Tu n'es qu'à onze points de la perfection !
Simone se lève,
part dans la salle de bains, et sort de longues minutes plus tard dans
une nouvelle tenue, aussi échancrée que décolletée, à se demander si le
tissu visible ne tiendrait pas dans une boîte d'allumettes.
- Attends... Tu ne vas pas réveillonner comme ça j'espère ?
- Ah si, pourquoi ? Tu ne voudrais quand même pas devenir exigeant sur
mes choix vestimentaires... Moi qui allais te mettre une bonne note...
- Mais je ne demande aucune note moi ! Je veux juste que ma femme soit décente pour finir l'année !
- Au bout de trois verres de whisky, de toutes façons, même en col
roulé, tes amis me verraient nue avec leur regard vicieux... Alors
autant me faire plaisir...
- Te faire plaisir ? Parce que ça te fait plaisir de te présenter comme ça devant les gens ?
- Tous les hommes présents me donneront 100 sur l'échelle de l'amour,
celle-là même sur laquelle tu restes bloqué un peu plus bas. Comme ça,
tu pourras nettoyer leur bave sur mes chaussures...
- Je le
savais... Tu vois ? Tu vois ??? Je ne PEUX pas te faire confiance ! Il y
a une heure, j'étais serein, je savais que j'allais boire tranquille
avec nos amis parce que j'avais une belle décente, et maintenant, tu vas
réveillonner à poil et me gâcher mon réveillon parce que tu ne peux pas
t'empêcher de faire ta grande capricieuse !
- Raoul, fais-moi
penser... Si un de tes amis veut me témoigner son amour en voulant me
rejoindre sur le dernier barreau, tu voudras bien l'aider en lui faisant
la courte échelle ? Tu la fais tellement bien...
Franck Pelé - janvier 2012 - Textes déposés à la SACD