- T'en as pas marre d'être toujours comme ça ?
- Toujours comme quoi ?
- Mais comme ça là, à toujours vouloir penser à la place
des autres, à nier toute responsabilité, toute culpabilité, et puis subitement
à être drôle, légère, aimante, et dans l'heure qui suit insupportable, aigrie,
acide ! Tu n'étais pas comme ça avant...
- Avant quoi ?
- Tu ne fais que poser des questions ou tu réponds de temps
en temps ?
- Non mais avant quoi ?
- Avant que tu ailles chez ton psy là...
- Aaaaaah bah voilà ! Dis les choses
Monsieur-j'ai-jamais-de-problèmes-mais-je-fais-rien-pour-que-ça-change !
- Pourquoi je ferais quelque chose pour que ça change si
j'ai pas de problème ?
- C'était de l'ironie mais ça, c'est comme l'égoïsme de ta
mère, ça te dépasse...
- Ah on parle des mères là ?
- Si tu veux, je suis sûre de gagner.
- Bien sûr... tu sais quoi ? La mère la plus salée du monde
on croit que c'est la mer morte mais pas du tout en fait, c'est TA mère
toujours pas morte ! De toute façon, même morte elle continuera de saler
l'addition de tes pensées à mon endroit...
- Alors déjà c'est pas la mer morte c'est la mer rouge la
plus salée.
- Ne me tente pas...
- Ma mère est peut-être salée mais au moins elle dit ce
qu'elle pense ! Et elle défend toujours sa fille plutôt que ses amis ! Un vrai
sens de la famille quoi ! Du lourd ! Du solide ! Du qui pèse !
- Tu ne m'as toujours pas répondu Simone... Pourquoi tu es
devenue comme ça subitement ? Toi qui étais si douce, si tolérante, conciliante
comme aucune autre, on dirait que tu es passée de Candy à Tatie Danielle.
- Mais c'est ça ton problème ! Tu me prends encore pour une
petite fille alors que j'ai trente cinq ans ! Ça fait quelques lunes que j'ai
coupé mes couettes Ginette !
- Tu es bipolaire, j'en suis sûr...
- ...ça m'étonnerait j'ai jamais froid...
- Tu sais ce que c'est bipolaire au moins ?
- Oui je sais ce que c'est bipolaire, c'est l'exagération
poussée à l'extrême du moindre de tes raisonnements ! Tu me fais rire Raoul...
Tu emploies des mots comme ça, au hasard, tu fais ton Einstein de l'analyse
mais t'es juste le Richard Clayderman de la réflexion, tu composes avec ce qui
te vient et tu crois que c'est beau, tu souffles sur ta mèche mais tu allumes
toutes celles qui doivent rester intactes. En fait c'est toi le bipolaire.
- Et allez, argumentation de compétition, on prend ce qu'on
reçoit et on le renvoie sans aucun enrichissement personnel, la tactique des
faibles...
- J'ai passé des années à te dire que tu avais raison
maintenant c'est l'heure pour moi.
- L'heure de quoi ?
- L'heure d'avoir raison ! C'est mon heure tu comprends ? J'ai
raison et je sais que j'ai raison. Même quand tu me dis que j'ai tort.
- Quoique tu dises comme connerie tu auras raison parce que
tu as décidé qu'il était l'heure que tu aies raison ?
- Je ne dirai pas de connerie puisque j'aurai raison...
- En fait, quand tu joues à l'ego, tu arrives à construire
autre chose que ton propre piédestal ?
- Je rêve... Tu ne penses tellement qu'à toi que même le
miroir te fait la gueule !
- Tu vas chez le psy parce que tu es complètement schizo !
Combien vous êtes dans ta tête ? Hein ? Combien ?
- Je ne sais pas combien on est mais on est toutes d'accord
sur toi !
- Tu es mauvaise... Tu pourrais tuer le plus grand amour de
ta vie juste parce qu'il oserait te contrarier... Toucher à ton orgueil c'est
appuyer sur le bouton nucléaire !
- Tu ne me touches plus ! Je n'ai plus besoin de toi pour
grandir, je suis au top de moi-même ! Il n'y en a qu'un qui veut que je sois
deuxième derrière lui ! Je ne serai jamais ton Poulidor Raoul ! Mets-toi ça
dans le crâne ! Je te double ! Je te laisse sur place ! Je me mets en danseuse
et je bascule au sommet avec dix minutes d'avances sur toi, encore à pédaler
dans la choucroute de tes explications ! Je m'envole ! Le maillot jaune il est
pour moi, j'en ai marre de tes balles ! Je laisse sur place le peloton
d’exécution !
- Pourquoi tu attends toujours décembre pour me faire ton
cinéma là ? Déjà l'année dernière c'était pareil...
- Tu veux que je te dise ? Je pense que ça vient de mon
ego. En fait j'ai compté, t'as raison, on est plusieurs dans ma tête. On est
douze exactement. Douze ego, douze profils et autant de personnalités, autant
de moi lentement mûris...
- Pourquoi douze ?
- Je ne sais pas, c'est comme ça. Et si ça explose en
décembre, c'est probablement à cause du treizième moi. Quand on a autant de
choses à te dire et que ça sent autant le sapin, dès qu'on déborde d'orgueil on
ne peut pas s'empêcher de te faire ta fête...
Franck Pelé - textes déposés - décembre 2015
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