mercredi 8 septembre 2010

Un papillon sur l'épaule



- Attends-moi Simone, tu vas arriver au bout du chemin avant moi !

- Et si c'était le cas Raoul ?

- Pardon ?

- Oui. Si j'étais arrivée au bout du chemin avant toi ?

- Que veux-tu dire ?

- Je veux dire que j'ai besoin de fleurs sur mon chemin, j'ai besoin de me sentir belle, neuve, fraîche, sur mon chemin comme sur le tien, et surtout, surtout, j'ai besoin de sentir que je prends ce chemin pour la première fois, tous les jours, avec toi...

- Simone, que puis-je faire pour te donner cette impression ?

- Me poser la question Raoul, c'est confirmer que tu n'as jamais pensé à la réponse. Or elles sont en toi. Enfin je l'espère, sinon ce chemin va probablement se scinder en deux autres, et c'est en ce point que nous nous quitterons.

- Si tu veux prendre un autre chemin, prends-le Simone. Mais ne me mets pas sur le dos tes envies de voyage, ni le poids de ta lassitude. Et si tu te perds, rebrousse chemin, suis les cailloux que tu auras laissés derrière toi, si mon amour est plus fort que le tien, alors je serai là, à t'attendre.

- Pourquoi ne serait-il pas plus fort ?

- Parce que ton choix d'aller voir ailleurs si j'y suis pourrait me pousser à prendre le même chemin que toi

- Pour quoi faire ?

- Et bien pour que j'y sois quand tu y seras ! Si tu vas voir ailleurs si j'y suis, et que je n'y suis pas, tu iras voir ailleurs ! Et si je suis déjà ailleurs, je ne serai forcément pas dans ton ailleurs à toi !

- Raoul, tu es tellement complexe...

- C'est l'amour qui est complexe chérie, c'est l'amour...

- Je suis une amoureuse Raoul, je suis fidèle, et pourtant, je ne saurais ignorer qu'un papillon se pose sur mon épaule sans embrasser ses couleurs. Et si j'embrassais ses couleurs, je n'aurais pas l'impression de tromper l'amour que je te porte, fort, entier, solide. L'amour est forcément pluriel, même si mon amour pour toi est si singulier qu'il tutoie l'idéal.

- Alors pars maintenant Simone, goûte aux papillons, et quand tu auras compris l'éphémère destin de ces ailes libertines, tu comprendras l'éternité de mon sentiment sous le vernis du quotidien.

- Raoul...

- Chuuut. Je ne peux te forcer à aimer ce vernis, ni te convaincre de l'artifice de certaines couleurs nouvelles, mais ne te perds pas en chemin Simone, ne te perds pas...

- Pourquoi me perdrais-je ?

- Il suffirait qu'on te vole tes cailloux pour les mettre dans ton coeur.

- Mais toi et ton éternel sentiment, vous me retrouveriez n'est-ce pas ?

- Parfois le coeur est si lourd qu'il coule sous le niveau de l'amer, et s'abîme dans d'abyssales blessures. Les poignards des menteurs à l'endroit de ton coeur seront autant de pierres dans mon jardin, et tu seras alors aussi perdue que je serai fané.

- Raoul, accélère le pas

- Pourquoi ?

- C'est moi qui fane à l'instant, refais de moi ton miel, et chassons les papillons ensemble...

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