mercredi 30 mai 2012

Maîtresse de la situation



- Monsieur, c'est Madame qui m'envoie.

- Oui, James, que se passe-t-il ?

- Madame Simone a rangé vos affaires depuis votre retour de séminaire...

- ... et ?

- ...c'est délicat Monsieur...

- Parlez James !

- ...et elle a trouvé une boîte de préservatifs dans votre trousse de toilette.

- Oh putain...

- Comme vous dites Monsieur...

- Pourquoi tenez-vous cette perceuse ?

- Madame m'a dit d'aller vous chercher pour que vous l'aidiez à percer ce mystère...

Raoul part en courant vers le château, il appelle sa femme dans la salle à manger, personne, il ouvre toutes les portes de toutes les pièces, ne la trouve pas, il grimpe les escaliers quatre à quatre, ouvre la porte de la chambre, et se retrouve nez à nez avec Simone, la boîte de préservatifs dans la main gauche ostensiblement tendue vers lui, la main droite tapotant nerveusement sur le bois du bureau.

- Je vais t'expliquer chérie...

- Mais j'espère bien mon amour... Quand je pense à tous ces dossiers que tu avais à approfondir chaque soir, ça a dû être épuisant ce séminaire...

- Bon, je vais être franc et direct. Il ne s'est rien passé. D'ailleurs, tu vois, la boîte est neuve.

- C'est censé me rassurer ?

- Oui ! Tu te souviens quand je t'ai vue la première fois ? Je suis tombé raide dingue amoureux de toi. J'ai eu envie de toi, immédiatement, je te savais faite pour moi. On appelle ça un sentiment, pas un calcul. Si j'avais été en couple quand je t'ai rencontrée, crois-tu que je n'aurais rien ressenti ? Non ! Ma réaction aurait été la même, mes sentiments aussi ! Pourquoi faudrait-il calculer ses sentiments, les dénaturer ? Parce qu'on s'engage ? Parce qu'on a signé un contrat ?

- Mais évidemment espèce d'égoïste ! Parce que si je suis ton raisonnement, ça veut dire que tu peux tomber amoureux tous les deux jours ! Et moi je dois vivre avec ça au-dessus de la tête ?

- Mais non, pas du tout... C'est juste que personne n'est à l'abri d'aimer.

- Aimer, c'est avec le cœur, et ça prend un peu de temps ! Là, on parle d'une boîte de petites protections qui se mettent au bout d'un mec qui n'a pas tout à fait l'intention d'aimer avec son cœur !

- Imagine qu'un jour, par hasard, je fasse une belle rencontre, une évidence, je couche avec une femme, sans forcément l'aimer jusqu'à l'épouser, sans vouloir vivre avec elle, sans faire de plan sur la comète, juste parce qu'elle a envie de moi, et moi d'elle, et qu'on ne pense pas à demain...

- Mais tu dois penser à demain Raoul ! Parce que moi, je SUIS demain ! Alors juste avant de tirer ta comète, tu DOIS penser à demain !

- Je continue... imagine que je couche avec cette femme, sans protection, et que tu l'apprennes, ne me dirais-tu pas, en hurlant : "Tu aurais pu au moins te protéger ! Par respect pour moi !" ?

- Ah d'accord... Donc, en fait, là, quand t'emmènes une boîte de préservatifs, c'est pour me respecter...

- Oui, un peu.

Simone ouvre alors la boîte, sort un préservatif de son emballage, s'avance vers Raoul, et l'enfonce doucement sur son crâne, elle le déroule, jusqu'à la base du nez, laissant la bouche à l'air libre.

- On peut savoir ce que tu fais là ?

- Une tête de nœud qui peut inséminer autant de conneries dans l'air ambiant, je me dis qu'il faut absolument la protéger. Elle pourrait contaminer les autres.

Simone tourne les talons, puis revient sur ses pas et lance :

- Ah, au fait. Si tu trouves un test de grossesse attaché à un petit agenda dans mon sac à main, tu ne t'inquiètes pas hein, j'en ai toujours un avec moi, c'est pour te respecter, au cas où je rencontrerais un homme avec qui je ne penserais pas à demain. Parce qu'ils ne sont pas tous comme toi, ils ne sont pas tous prévoyants, et parfois, tu sais ce que c'est, l'appel de la chair est impossible à ignorer... Alors si je devais être enceinte quelques mois plus tard, j'aimerais pouvoir te dire de qui est le fruit de ma légèreté, sans perdre une seconde. Parce que si j'attendais que l'enfant ait dix ans, tu pourrais me répondre : "Tu aurais pu me le dire avant qu'il naisse ! Par respect !"

- Mais ça n'a rien à voir ! Tu ne vas pas comparer un enfant à une glissade charnelle !

- Si ! Parce qu'à chaque fois que tu glisses, même si je ne le sais pas, c'est un couteau que tu me plantes dans le dos ! Et moi, tu vois, au pire, c'est un enfant que je te ferais dans le dos, avoue que la femme est plus élégante !

Simone descend le grand escalier, prend son manteau, son sac à main, fouille à l'intérieur, regarde son téléphone, elle a reçu un message. Un message de François, un homme qu'elle a rencontré par hasard l'été dernier, ils s'écrivaient depuis des mois. Le message disait : "Je n'arrive pas à oublier tes lèvres. Après elles, plus rien n'a de goût". Elle ne répondra pas. Pas cette fois. Parce qu'elle aime Raoul. Mais en marchant dans le gravier de l'allée principale, elle se disait que les hommes n'avaient vraiment pas de chance. Ce sont toujours eux qui doivent prendre le risque d'emporter de quoi préserver leur élan. Un homme a beaucoup à donner. Sans avoir une parfaite maîtrise de ses actes. Une femme reste maîtresse de la situation. Elle sait toujours recevoir.




Franck Pelé - Mai 2012 - Textes déposés.

Envie d'ailes




- Raoul !!! Recule, tu vas tomber !

- N'avance pas Simone. S'il te plaît... N'avance pas... Reste où tu es...

- Recule Raoul... Qu'est-ce que tu vas faire là... ?

- Je ne sais pas... Si je recule, je retrouve ce que je fuis.

- Tu parles de moi ?

- Bien sûr que non. Je parle de tout ce que j'ai fait, tout ce que j'ai déjà fait, de tout ce que je ne suis jamais arrivé à faire, je parle de moi, de ce que j'ai fait de moi depuis que je suis né...

- Alors arrête de te retourner sur ton passé, avance...

- Si j'avance, je tombe. Et si je tombe, je fuis.

- Si tu ne veux ni reculer, ni avancer, et bien reste là qu'est-ce que tu veux que je te dise...

- Si je reste là, je vais trop réfléchir, trop penser. Je pense, donc je fuis... Bon, je fais demi-tour...

- Ah ! Quand même... De toutes façons la nuit va bientôt tomber. Allez viens... Tu commençais vraiment à me faire peur là...

- Mais je ne veux pas revenir en arrière ! Et arrête de tout prendre à la légère Simone, merde !!! Je suis au bout de moi là ! Perdu ! Paumé ! Je regarde ma vie les yeux dans les cieux, je n'y vois que nuages et vertige, et tout ce que ça t'inspire c'est de réduire ça à des caprices d'adolescent dépressif !

- Excuse-moi Raoul... (Simone s'assoit, à une dizaine de mètres derrière lui). Je sais exactement ce que tu ressens, je suis déjà venue ici, j'ai eu la même envie que toi, les mêmes doutes, la même difficulté de choix... Et puis j'ai pensé à tes mains, à ta bouche, qui sait me sourire aussi bien qu'elle m'embrasse, à tes yeux, qui me disent plus que tous les mots du monde.

- Ce n'est pas une question d'amour Simone, je sais quelle femme tu es, je sais quel bijou s'est offert à moi, c'est plus profond que ça, c'est un tout. J'ai l'impression d'être fait pour atteindre les sommets et je ne fais que tomber, glisser, comme un Sisyphe presque jaloux de croiser dans sa chute tous ces glorieux de pacotille qui ne savent rien de la qualité du voyage. Ils ont autant de mérite que de talent mais ils arrivent pourtant à toucher les neiges éternelles sans penser une seule seconde à la fonte de mes rêves... Et je devrais rester là ? Sans bouger ? Ne rien faire pour que ça change ?

- Alors saute. Ose. Lance-toi.

-Mais si je saute, je n'atteindrai jamais les sommets ! Non. Je vais m'asseoir. Et contempler. Oui... Je vais contempler...

Raoul respire longuement, doucement, de grandes inspirations, puis de longs souffles pleins de tous ces doutes qui donnent le mal de l'air...

- Simone... Je suis bien là... Je savoure... Je pense à tous les possibles... L'immensité m'attire, m'inspire, elle me rend fort... Je me sens pousser des ailes... Voilà... C'est ça... Je vais voler...

- Emmène-moi...




Franck Pelé - mai 2012 - textes déposés


mercredi 16 mai 2012

The Voice



- Excusez-moi mais vous êtes sur mon matelas Monsieur.

- Et bien prenez-en un autre, regardez autour de vous, il y en a partout...

- Mais je me fous des autres matelas, je veux le mien ! De quel droit pouvez-vous...

- J'ai tous les droits. Vous savez qui je suis ?

- Tu pourrais être le fils du Pape ou le président des États-Unis, ça ne changerait strictement rien ! Allez, tu t'en vas sans faire d'histoire sinon tu vas me mettre en colère...

- Je suis The Voice.

- Bah voyons. Et moi je suis la Nouvelle Star... Allez, ouste !

- M'enfin ! Vous tombez du ciel ou quoi ? Je suis Frank Sinatra, The Voice ! My Way !

- The Voice c'est un métis, t'es métis toi ? Encore une heure au soleil et tu seras rouge écarlate ! Et My Way c'est Claude François, mais comme d'habitude, tu vas jouer à faire semblant...

- Un métis ? Vous devez parler de mon ami Sammy Davis... Oui, c'est un très bon ami, qui chante très bien, mais The Voice, c'est moi. Et je ne connais pas Claude François, c'est sans doute une lumière dans votre pays mais ici il n'y a qu'un roi, c'est moi.

- Parce que tu te crois où là ?

- A Las Vegas, sur la plage artificielle du Caesar Palace.

- Ok Frankichou, donc toi, c'est officiel, faut que t'arrêtes les Mojitos... T'es à la Grande Motte, sur MON matelas, dans le pays de Claude François, et là, il faut que tu bouges, tu comprends ce que je dis ??? Évolue dans l'espace, entame un mouvement, visite la banlieue de mon plaisir, bouge, bouge, bouge !!!

- Tu fais une grave erreur cocotte... J'entretiens des liens avec la pègre que tu n'imagines même pas...

- Et moi je suis la femme de Raoul ! Tu sais qui c'est Raoul ? C'est la Mafia du Languedoc-Roussillon à lui tout seul ! Je n'ai jamais entendu parler de Sinatra ni de The Voice et si tu n'as pas bougé d'ici trente secondes, j'appelle mon mari ! Et alors là mon poulet, tu vas voir tellement de lumières en même temps que Las Vegas à côté, ce sera le centre-ville Montluçon à Noël !



Franck Pelé - Mai 2012 - Textes déposés



United colors




- Si j'étais un chat, je ronronnerais de plaisir tellement tu es belle à regarder...

- Si tu n'avais pas cette fièvre, je me serais sentie terriblement féline pour miauler avec toi... Ça ne va pas mieux avec l'aspirine ? Ceci dit, je ne suis pas sûre qu'un scotch soit la meilleure solution pour te remettre sur pied...

- L'alcool tue les microbes. J'ai 39.7 mais je pense que c'est depuis que je regarde tes jambes que je brûle... Viens sur moi Simone...

- Sur toi ? Ah non Raoul, j'adorerais être une chatte sur un toi brûlant mais j'ai pas envie d'attraper ta crève !

- Tu m'aimes Simone ?

- Évidemment que je t'aime...

- Et toi ?

- Quoi moi...

- Tu t'aimes ?

- Tu me demandes si je m'aime là ?

- Oui. Tu es belle, tous les hommes sont fous de toi, tu as du talent, tu es une comédienne reconnue, mais est-ce que tu t'aimes, toi... ?

- Pourquoi tu me poses cette question ?

- Parce que je n'ai pas l'impression que tu es sereine en ce moment, j'ai l'impression que le temps qui passe ne te rassure pas, que la reconnaissance ne te suffit pas.

- Non, c'est vrai... Je suis dans l'acceptation depuis quelque temps. Mais j'ai eu beaucoup de mal à affronter mes angoisses.

- Dans l'acceptation de quoi ?

- Tous les hommes ne sont pas fous de moi. Toutes les femmes non plus. Ma mère n'a jamais su me montrer son amour, sa confiance, mon père était absent, il était là, mais absent. Mes premières amours ont fait fleurir mes premiers sourires, mais les mots nés de la colère ou de la rupture ont laissé des empreintes profondes sur mon innocence, sur mon envie de croire en l'envie des autres.

- Quelle envie des autres ?

- J'ai toujours été persuadée que les autres avaient la même curiosité que moi, la même envie de découvrir l'autre, de s'en nourrir, de l'écouter, de chercher, de gratter le vernis, de comprendre les faiblesses, d'admirer les forces. Mais il n'y a que ceux qui font les belles rencontres qui ont ce regard, cette intelligence du cœur.

- Simone, la première fois que je t'ai vue, tu étais naturelle, rayonnante, sublimée par un charme absolu dont tu ne te rendais même pas compte, tu n'étais d'accord sur rien, la deuxième fois, tu étais dans la séduction, tu me disais ce que je voulais entendre, tu te rendais disponible, et pourtant, j'avais moins confiance en toi à ce moment-là.

- Pourtant j'étais vraie. Mais c'est exactement le sujet. J'ai compris qu'on avait le droit d'être soi, de ne pas plaire à tout le monde, j'ai compris qu'on existe dans les yeux de quelqu'un par rapport à la perception qu'il en a, pas par rapport à ce qu'on est. Ce qui a longtemps été un drame absolu pour moi, une lutte sans merci.

- Oui, c'est quand on existe dans le cœur de quelqu'un qu'on existe par rapport à ce qu'on est.

- Je ne faisais pas cette différence. Si je suis rouge, et que quelqu'un me voyait jaune, je voulais absolument qu'il me voie rouge, je voulais le convaincre qu'il se trompait, que je n'étais pas comme il me voyait. Les goûts et les couleurs, c'était ça ma réponse. J'ai compris que plus je me forçais à paraître rouge, plus mon rouge était superficiel, et plus celui qui me voyait jaune avait des doutes sur la sincérité de mon jaune. Du coup, je devenais fausse pour lui, et fausse pour moi ! Tu comprends ce que je veux dire ?

- Tu es mon rêve orange mon amour...

- Raoul ! C'est important... Tu comprends ?

- Je plaisante, bien sûr que je comprends. Moi aussi j'ai été comme ça, je suis bleu, et à chaque fois qu'on voulait me mettre dans une case jaune, j'étais vert...

- Raoul !!!

- Non, mais je suis sérieux ! Et je comprends ce que tu veux dire ! C'est fou comme on peut être perçu différemment selon l'âme, la culture, le cœur, la générosité, l'envie qu'on a en face de soi ! Moi je suis un bleu extraordinaire pour mon ego, et il souffre qu'on puisse le voir autrement, sans éclat, d'une autre couleur, d'une autre qualité. Toi Simone, tu as la chance d'avoir beaucoup de gens qui savent reconnaître la qualité de ta couleur, mais personne au monde ne sait mieux que moi lire ton rouge. Personne ne pourrait comprendre à quel point il n'y a pas la place du plus petit filtre entre ce que tu es et ce que je perçois de toi. Je te prends en pleine tronche, en plein cœur, depuis toujours. Tu es de la même couleur que mon amour. Quand je suis rouge de plaisir, c'est que je te comprends tellement, je te ressens tellement, je te lis tellement, que je transpire du bonheur d'être plein de toi.

- Raoul... mon amour... Personne d'autre que moi ne saura jamais pourquoi la meilleure chose qui puisse arriver à une femme est d'avoir du bleu au cœur...



Franck Pelé - Mai 2012 - Textes déposés



vendredi 11 mai 2012

Appel d'offre



La voix de Raoul résonne au loin :

- Simone, tu viens te coucher ?

- Je suis dans le bureau, j'arrive !

Après quelques secondes, la porte du bureau s'ouvre :

- Qu'est-ce que tu fais chérie ? Ça fait une heure que tu es en bas... Allez, viens te coucher...

- Et toi ça fait une heure que tu lis Les Echos !

- Et alors ?

- Et alors, juste à côté de toi, figure-toi qu'il y a une femme, la tienne, et ta femme n'attend qu'une chose, que tu épluches ses comptes plutôt que ceux de tes actionnaires ! Mais non, Monsieur préfère étudier son capital plutôt que d'entrer dans le mien...

- Mais pas du tout, j'étudie le bilan de mes associés ! Tu es bien contente d'avoir ma carte de crédit toute la semaine, mais si tu veux encore en profiter, je dois étudier le bilan régulièrement !

- Et le mien, tu l'étudies à quelle heure le mien ?

Le bruit de la photocopieuse aspirant une feuille vierge attire le regard de Raoul. Pendant que le rai de lumière entame son voyage de gauche à droite, Raoul reste bouche bée devant la scène. Puis se reprend :

- Qu'est-ce que tu fous assise sur la photocopieuse ?

- Je te fais un encart spécial à insérer au milieu de ton journal.

- Pardon ?

- Je dépose le bilan ! Et je t'en fais une photographie très précise pour que tu puisses évaluer ton manque à gagner !

- Mais Simone, tu sais combien ça coûte une photocopieuse comme ça ?

- Et moi, tu sais combien ça me coûte de dormir à côté d'un ours qui ne s'excite que devant l'indice boursier ? Avant j'avais un jeune loup sous mes draps, puis un tigre, avec de beaux pectoraux imberbes, maintenant j'ai un ours dont la paresse pousse aussi vite que tous les poils de son vieil âge ! T'en penses quoi de la valeur ajoutée ? C'est excitant hein Raoul ? Je vais faire comme toi tiens, je ne vais plus m'occuper de moi, tu seras ravi, tu vas faire une jolie plus-velue !

- Bon... Qu'est-ce que tu veux Simone...

- Ce que je veux ??? Mais je veux que tu arrêtes d'épargner ! Je veux que tu places tes économies ! Que tu éponges ton passif ! J'en ai marre de m'autofinancer, tu peux comprendre ça ??? J'ai d'énormes besoins en fonds de roulement ! Alors soit tu investis dans la femme de ta vie, soit je me mets à la mondialisation !

D'un geste du bras, Raoul dégage tout ce qui traîne sur le bureau, il attrape Simone, remonte sa robe, l'allonge sur le bureau, et s'allonge doucement sur elle en lui murmurant :

- D'accord... Je vais entrer dans ton capital...

- Ce sont tes capitaux propres ?

- C'est à dire ?

- T'as pris une douche avant de te coucher ?

Raoul se relève :

- Mais Simone, tu peux pas arrêter deux secondes d'être compliquée sans déconner !!! Oui j'ai pris une douche !

- Alors viens...

Raoul s'allonge à nouveau. Il commence à investir doucement quand il sent Simone qui souffle, elle cherche sa respiration :

- Qu'est-ce que t'as ?

- Je crois qu'il y a trop de charges pour que je puisse m'en sortir Raoul... On va reprendre à zéro dans notre chambre et c'est moi qui vais commencer par un petit audit... Je suis sûre que je trouverais de quoi monter une belle entreprise...

- Bon, Simone, ça suffit, y'a toujours un truc qui va pas...

- Mais Raoul, tu m'étouffes ! Même avec mes capacités d'amortissement, quand même assez conséquentes, j'ai l'impression d'avoir un frigo sur le thorax, c'est quand même limite pour évaluer sereinement mon profit !

- Y'a toujours un truc qui va pas !!! Je remonte lire mon journal.

Simone se relève d'un seul coup, plaque Raoul contre le mur et lui dit :

- Si tu n'investis pas ce soir dans ma société, je te jure que c'est la dernière fois que tu me vois désirable pour toi, tu m'entends ? Les bas, les porte-jarretelles, les jupes sans rien en-dessous, c'est fini ! Les décolletés, les épilations, la peau douce, le maquillage élégant, basta !

Raoul déglutit, puis ajoute d'une voix douce :

- On peut le faire dans le bureau l'audit non ? Si c'est moi qui m'allonge...

Simone allonge son mari sur le bureau, défait doucement les boutons de sa chemise et pendant que la photocopieuse débite en dix exemplaires la plus belle ouverture de capital qui soit, elle lui glisse à l'oreille :

- Tu as frôlé la cessation de piment...



Franck Pelé - Avril 2012 - Textes déposés.